Star Wars et la refondation du Space Opera (13) : Les (dé)raisons d´un succès

Star Wars et la refondation du Space Opera (13) : Les (dé)raisons d´un succès

Soumis par Antonio Dominguez Leiva le 21/08/2020

La critique s´est longuement penchée sur les raisons du succès colossal de Star Wars, essayant de l´expliquer a posteriori, en invoquant quantité de phénomènes sociopolitiques, souvent selon le célèbre principe du « Post hoc ergo propter hoc ». Laurent Jullier synthétise cinq grandes « familles » heuristiques: la cause urbanistique (que l´on pourrait plutôt appeler logistique : le retour au cinéma familial dans les multiplexes de banlieue); la raison psychologique (qu´il limite à l´extension du « principe Disney » du divertissement tous publics, mais il y aurait lieu d´inclure ici les différentes psychanalyses et analyses psychologiques qui en ont été faites); l´explication historico-esthétique (la double opposition au film catastrophe et à la Modernité européenne, à quoi il faudrait ajouter les autres tensions qui traversaient le champ filmique et culturel –mort du western, saturation dystopique, déclin du camp, etc.); la raison idéologique (l´ouverture à toutes les réappropriations) et la lecture économique (le triomphe de la « culture promotionnelle-événementielle »)[1].

Il faut toutefois se méfier de la tentation de la monocausalité (le « selling out » du Nouvel Hollywood selon Peter Biskind[2], la politique, le New Age, le tournant consumériste, etc.), souvent induite par le cloisonnement disciplinaire –Star Wars expliqué par la psychanalyse, le féminisme, le post-colonialisme, le post-marxisme, la religion, etc.- ou la restriction focale –l´intérêt prêté aux films sans tenir compte de leur inscription dans un contexte culturel plus large ou des aléas de leur genèse et production, soit, inversement, du contexte au détriment de l´analyse précise des œuvres (sans parler du fétichisme des processus de production et des trivia les plus divers, fréquent dans les ouvrages consacrés à la saga dans une perspective commerciale ou fanique), etc.

Nous avons déjà évoqué au fil de ces articles les agencements complexes de plusieurs des enjeux majeurs de la création de la saga renvoyant aux évolutions du contexte culturel (Vietnam, Watergate, Weather Underground, Nixon, etc.), en lien avec leur inscription dans le discours social et l´imaginaire culturel de l´époque, que Lucas semble avoir particulièrement bien saisi (ce qui ne sera plus le cas pour la plupart de ses projets ultérieurs, comme il advint d´ailleurs à son partenaire initial Coppola et autres créateurs emblématiques du Nouveau Hollywood). Mais il faut se méfier de toutes les variations (et elles sont nombreuses) de la « théorie du reflet ». Star Wars n´est pas un simple reflet de la guerre du Vietnam, de la révolution conservatrice en germe, du backlash antiféministe, du tournant postmoderne ou tout autre processus marquant de la fin des seventies[3]. Comme toute œuvre de la culture populaire, elle s´inscrit à la fois dans le discours social, les imaginaires et les idéologies de son temps tout en les reconfigurant, les retravaillant et les infléchissant selon toute une série complexe de choix et de contraintes (génériques, industrielles, commerciales, discursives).  

Parallèlement, il faut se méfier d´un des termes que l´on emploie le plus souvent dès que l´on évoque la saga : celui de mythologie. La volonté, déjà évoquée, de la placer à cette enseigne, à travers la caution des théories (bien que discrédités dans le champ académique) de Campbell fut un des premiers éléments rhétoriques du marketing de Lucas[4]. À partir de cette idée d´un palimpseste d´éléments mythologiques recréés autour du monomythe campbellien de la « quête héroïque », l´on a souvent voulu mettre sur le même pied la saga et les mythologies antiques, concluant à l´idée d´une mythologie moderne qui fonctionnerait à l´identique, voire par analogie, ignorant tout du travail des mythographes modernes sur les rôles complexes joués par les mythes dans les sociétés anciennes (Jean-Pierre Vernant, Marcel Détienne, Walter Burkert, etc.). Ultime caution de la légitimité culturelle de la saga, cela est parfois un credo pour bien de fans. Mais il s´agit, dès lors, d´une version extrêmement appauvrie de la notion de mythologie (et l´on pourrait plus légitimement lui substituer le terme de « nouveau folklore »).  

Toutefois, si l´on considère avec Claude Lévi-Strauss que la véritable fonction d´un mythe est de « fournir un modèle logique capable de surmonter une contradiction (tâche irréalisable, quand la contradiction est réelle) »[5], et, avec Roland Barthes, que les mythologies médiatiques des sociétés bourgeoises visent à naturaliser les connotations culturelles (et donc leurs contradictions historiques)[6], l´on peut saisir dès le premier opus de la saga une série de contradictions naturalisées (et donc dé-problématisées).

La tradition hollywoodienne dont Lucas hérite très sciemment, et la nouvelle culture mainstream qu´il contribue à établir reposent sur un subtil équilibre, ne pouvant se permettre d´exclure aucune catégorie de spectateurs, et donc devant réunir, autour d´éléments prétendument universaux (en fait déjà suffisamment « naturalisés » culturellement pour former la base d´un consensus, qu´il soit générique, idéologique ou  esthétique[7]), assez d´éléments singuliers pour que s´opèrent les diverses identifications spectatorielles : d´où le besoin inhérent d´orchestrer des visions contradictoires (à commencer par le clivage politique traditionnel aux États-Unis entre républicains et démocrates), permettant à chacun d´adhérer à la fiction. Si ces contradictions excèdent leur apparente harmonisation, l´on atteint ce que Robin Wood nomma « le texte incohérent »[8] (ce qui se traduit souvent par un échec commercial), mais, inversement, si elles ne sont pas suffisamment actives, le film ne réussit pas à intéresser un large public (d´où, généralement, le contraste entre la vocation prosélyte et le caractère minoritaire des films à thèse, qu´ils soient religieux, politiques, ou autres[9]). Beaucoup plus que le « parfait scénario » tant vanté dans les manuels (et qui ne produit le plus souvent que des pâles copies de formules éculées), c´est l´efficacité de la naturalisation des contradictions les plus vitales d´une époque (ou plus précisément d´un « état du discours social », pour reprendre le sous-titre du classique de Marc Angenot 1889, 1989) qui marque le véritable secret du succès populaire (et aucune formule préétablie ne semble valoir face au dynamisme toujours changeant de ces contradictions).

Dès sa tortueuse élaboration scénaristique, Star Wars est tout entier traversé par les contradictions. D´un côté celle de la rébellion contre-culturelle et du retour aux valeurs essentielles de la Nation; de l´autre celle du tournant nostalgique et du « sense of wonder » défamiliarisant (ou encore des effets spéciaux révolutionnaires pour réactualiser des vieux clichés –à commencer par le « roll-up »); mais aussi de la poétique du voyage cosmique et de la fin du Space Age (marquée  par les « diminishing expectations » et les coupures budgétaires du programme spatial, une fois la Space Race considérée finie et la Nouvelle Frontière dénuée d´intérêt). Celle de la Techné (déclinée dans un fétichisme des gadgets qui la ludifie, inaugurant une tendance lourde des décennies ultérieures) et de la Force. Celle de la filiation et de l´initiation (et, corollairement, de l´inné et l´acquis, la lignée et le mérite[10]). Celle du libre arbitre et du Destin. Celle de l´escapisme assumé et d´un certain didactisme moral (dans une proportion toute différente du vieil adage classique du « docere delectando »). Et bien d´autres encore.

À l´intérieur de ces contradictions, chacun des termes en est lui-même traversé : unité cosmique et bipolarité dans la Force; hybris technologique de l´Empire et bricolage des rebelles (mais aussi fétichisme de la marchandise –dans les figurines autant que dans les maquettes offertes à notre désir scopique- et dénonciation de la mécanisation[11]); nostalgie littéralement impossible (les « days of future past » du rétrofuturisme); poétique du cosmos également impossible (les célèbres bruitages dans l´espace, allant de pair avec l´invraisemblance au niveau de la physique de la plupart des artéfacts); rhétorique démocratique et « aura » aristocratique des héros (et de leur opposant); filiation à la fois affirmée et dénié (Père absent, mort, mauvais, dédoublé); culte de l´initiation et dynamique de la régression[12]; etc.

Que les deux piliers de la version finale de l´œuvre (le monomythe et la Force) soient justement des dispositifs à naturaliser les contradictions (l´un par amalgame et analogie, l´autre par une combinaison de fusion et de dichotomie bipolaire) prend alors tout son sens. Que tous deux se revendiquent du mythe et de la croyance (à un moment crucial de réinvention de la religiosité occidentale[13]) est tout aussi significatif : s´inaugure ainsi une nouvelle étape où, selon l´analyse déjà citée de Richard Mèmeteau, « la pop culture ne se signale pas seulement par une croyance renouvelée dans les mythes. Ce qui se construit là est aussi « mythique » en un autre sens. Le lecteur y fait l´expérience d´une solidarité de croyances qui s´auto-engendrent » (id, p. 154).

Il s´agit, dans tous les cas, de dépasser le désenchantement du monde, selon l´analyse wébérienne de la modernité. Comme l´analyse Jullier, « ce travail va dans deux directions, le souhait d´une réalité différente et la nostalgie d´un temps de plus grande adéquation entre l´homme et son environnement » (2015, p.159).

Mais ce qui rend ici véritablement possible, non pas le dépassement, mais la naturalisation, ou du moins la neutralisation (voire l´effacement) des contradictions, c´est la réussite incontestable de la spectacularité cinématographique, réinventée à l´aune d´un nouveau « cinéma des attractions », selon le terme consacré par Tom Gunning. L´expérience de Lucas dans le cinéma expérimental prend ici tout son sens : si on associe souvent ce dernier à la veine antinarrative des avant-gardes (souvent elles-mêmes inspirées par les « attractions » du burlesque ou des trucages visuels), il pouvait aussi permettre de concevoir le récit à partir de la matérialité de l´image (comme le montre un autre film de 1977, l´Eraserhead de David Lynch, qui allait malheureusement échouer, comme Jodorowsky, dans son projet d´adaptation de Dune –et que Lucas songea recruter pour clore sa trilogie[14]). L´expérimentalisme de Star Wars est tout entier passé dans les multiples trouvailles des effets spéciaux, qui articulent véritablement le film : à suivre les étapes du scénario on voit à la fois l´épreuve que celui-ci signifia pour quelqu´un d´aussi peu « gutenberguien » que Lucas et la « magie » de sa transfiguration en images –qui surprit, comme on le sait, les propres acteurs, convaincus de l´indigence des épreuves de tournage. La voie vers « l´écran postmoderne », dominé par le « feu d´artifice et l´allusion » (Laurent Jullier, 1997) était ouverte[15].

Toutefois, comme le signale Jullier dans son analyse dévolue à la saga, la première trilogie est encore traversée par une tension stylistique entre classicisme et postmodernité : « Cadrage, montage et mise en musique relèvent par leur style d´une volonté de compromis entre deux objectifs qui ne sont pas forcément incompatibles mais visent en tout cas des modes de réception différents. Le premier met l´arsenal du langage cinématographique au service de la communication d´informations relatives à l´avancée du récit. Le second reflète un désir de bercer le spectateur, de le faire vibrer, expérimenter les luxes et le fun, désir qui fait attendre de ces figures techniques un effet euphorisant, hypnogène ou simplement plaisant » (2015, p. 61-2). La prélogie modifiera cette tension (qui est aussi un équilibre), en délaissant progressivement l´apollinisme classique[16].

Fait majeur, la transformation du spectateur en véritable enfant de par le nouveau régime de spectacularisation, permet à la fois la « willing suspension of disbelief » (qui ne se limitait pas au domaine de la « scientificité » totalement bidon de « l´hyperespace » ou des sabres laser mais aussi des constantes incohérences narratives, psychologiques et idéologiques de l´œuvre[17]), la neutralisation des contradictions dans le plaisir de la régression (« l´enfance récupérée » théorisée par Fernando Savater dans son essai éponyme de 1976) et le fantasme de l´innocence retrouvée (la chasteté même du film, après une décennie marquée par un « toujours-plus-de-sexe » à l´écran fut en soi un symptôme éclatant) annonçant un mythe de renouveau, après les tourments d´une décennie turbulente.

Prolongeant cette logique dans la profusion industrielle de ses produits dérivés (véritable moteur du succès financier de la franchise que la 20th Century Fox ne saura pas prévoir, cantonné au vieux régime de production cinématographique), Star Wars inaugure une révolution de l´enfance (hyper)consumériste, s´inspirant justement de la kinderkultur de la société de consommation d´après-guerre, qui avait déjà opéré la plupart des stratégies reprises par Lucas (merchandising autour de la série de Davy Crockett par l´empire transmédiatique de Disney –dont Lucas s´est explicitement revendiqué, pensant d´ailleurs leur soumettre son projet initial-, lequel avait aussi mis au point la logique des extensions transfictionnelles en séquelles, préquelles, spin-offs et autres dérivations, etc.).

Ce n´est pas donc pas étonnant que la révolution du blockbuster inaugurée par Star Wars passe par cette infantilisation spectacularisée et mercantilisée, redéfinissant non seulement le public cible d´Hollywood et autres industries pop-culturelles connexes, mais l´esprit même de la culture pop (la kinderkultur et son corollaire teenager devenant, au fil des années 1980, son principal vecteur).  L´enfance constitue désormais le « plus petit commun dénominateur » du nouveau « all-family movie » qui opère une suture des clivages générationnels de la décennie précédente (où le cinéma familial était en clair désarroi et l´empire Disney connaissait un net déclin[18]), et, parallèlement, la culture pop, après une décennie marquée par le culte de la transgression et la négativité contre-culturelle, se redéfinit à l´aune de l´« infantilisme » érigé en nouvelle idéologie, tel que finement analysée par Pascal Bruckner dans la Tentation de l´innocence (1995)[19]. Ce seront là les bases de la fondation de la culture mainstream planétaire, soit « cette culture qui plaît à tout le monde » (Frederic Martel, 2010).

Que cette opération ait connecté si parfaitement avec l´état d´esprit du public relève à la fois du pari (le choix de l´optimisme face à la déferlante pessimiste inaugurée, entre autres, par THX 1138; de l´escapisme assumé face à la mouvance du « réalisme sale », etc.), de la nécessité (ces tendances étaient déjà en cours, et allaient d´ailleurs préparer le terrain de la « révolution conservatrice » mais aussi de la nouvelle industrie des rêves, régie par des blockbusters fusionnant les éléments les plus pop –science-fiction, horreur, Fantasy, disco, culture teenager, etc.- avec des traitements souvent aussi fastueux que les anciennes superproductions épiques) et du hasard (qui peut savoir quels autres événements auraient pu infléchir ce succès? Le succès du Dune de Jodorowsky lui aurait-il volé la vedette? Ou bien le Flash Gordon de Fellini? Le film de Star Trek, qui ne paraîtra que deux ans plus tard? L´adaptation de Philip K. Dick rêvée par Scorsese, ou celle de Bester par De Palma?[20]).

« Star Wars was made and released at the best possible time, being at once both a reflection of audience tastes and a landmark innovation that captured their attention—it gave them exactly what everyone wanted and needed, even if they hadn’t realised this gaping void existed”, résume Kaminski. “It revitalised the science fiction and fantasy genres while also capitalising on their growing underground popularity, it provided a story that was fresh and unique while also being archetypal and universally familiar, it depicted a world that was strange and captivatingly exotic but that was also nostalgic and vaguely recognizable, it was emotional and touchingly human while still being thrilling and startlingly alien, and it blew away the audience with revolutionary sound, music, editing and visual effects, while also giving them a spiritual sense of optimism and most importantly an overriding sense of joyous fun. If the film had been released in 1973 or 1983 it would not have been nearly as effective or successful, but in May of 1977 it was like a divine revelation from the gods of cinema, impressing critics and audiences equally with its cinematic innovation and warm heart” (Kaminski, op.cit., p.214).

Parmi les facteurs esthétiques qui ont contribué à ce succès phénoménal, nous espérons avoir démontré, tout au long de ces articles, la part prépondérante qu´y joua la réinvention d´une longue tradition populaire, souvent réduite à la portion congrue des clins d´œil et références, sortis de leurs contextes et réduits à des simples trivia. Star Wars est, à plus d´un titre, le parachèvement d´un imaginaire qui n’avait auparavant jamais trouvé d´équivalent cinématographique pleinement abouti et dont il hérite toute la richesse. Ce que beaucoup de fans et de critiques continuent à formuler comme ses originalités distinctives (le syncrétisme, la spiritualité, les multiples motifs iconographiques et narratifs, le sentiment d´univers de fiction aux virtualités inépuisables, voire le célèbre « used future ») appartient pleinement, comme nous l´avons exposé, à la tradition du space opera.

1977 fut d´ailleurs une année importante pour le genre. Poul Anderson continuait sa révision de ses principaux tropes avec Mirkheim, tandis que Del Rey Books naissait avec pour mission de rééditer les grands classiques du genre, parachevant la redécouverte avancée par Brian Aldiss et inversant l´opprobre en éloge. Deux mangas cultes revisitaient l´espace : Space Pirate Captain Harlock et Toward the Terra, tandis que Marvel entreprenait l´adaptation de John Carter Warlord of Mars et DC lançait Star Hunters.  La parodie de Star Trek, Quark se faisait à la fois écho de son succès et d´un besoin de renouveau tandis que les jeux de table Star Empires et StarSoldier : Tactical Warfare in the 25th century montraient le chemin vers la ludification qui allait bientôt triompher dans le nouveau médium des jeux vidéo. Le succès du magazine Starlog, créé en 1976 et qui allait devenir une sorte de « Star Wars magazine » dès la sortie du film, montre également que le public était déjà tout prêt pour un space opera grandiose qui remette le genre au goût du jour.

Lucas était à la fois en phase avec l´évolution du genre (qui revenait sur son passé, notamment à travers les anthologies de Brian Aldiss et qui cherchait des voies de réactualisation dans différents médias) et à contre-courant de l´hypergenre de la science-fiction cinématographique, qui avait suivi la voie qu´il avait délaissé après l´échec de THX 1138. Pour beaucoup de fans ce fut une terrible retombée en enfance du genre qui venait d´atteindre sa pleine maturité; de même que pour une grande partie de cinéphiles ce fut la fin de la période captivante du cinéma américain « à l´européenne ». Mais pour une grande partie du public, Star Wars devint la porte d´accès aux démons et merveilles non seulement du space opera mais de la science-fiction dans son ensemble, voire de l´émerveillement cinématographique.

On peut se demander si le boom du genre qui allait suivre se serait produit si Star Wars n´avait pas connu un succès aussi phénoménal, mais la diffusion transmédiatique de ses  codes était clairement en cours à l´échelle globale, ainsi que le changement de perspective qui marquait un intérêt décomplexé pour ses thèmes et ses motifs, que ce soit sous le signe de la nostalgie ou, pour la première génération qui n´avait pas grandi avec les pulps ou l´Âge d´Or, sous l´emprise d´un nouvel émerveillement[21]. La rapidité avec laquelle le boom s´est produit montre d´ailleurs que l´intention de ressusciter le genre était bien amorcée et qu´elle n´attendait qu´un déclencheur pour convaincre éditeurs, producteurs et critiques de la viabilité du filon. Qu´il suffise d´évoquer, pour l´année 1978, les séries Battlestar Galactica ou Jason of Star Command, le films Starcrash, Message from Space ou War of the Robots (voire le très nanaresque Laserblast), les mangas Galaxy 1999 et Cobra, les animes Captain Harlock et La bataille des planètes, le comic Cody Starbuck.

Comme on le voit, les médias imprimés ont pu être plus réactifs au succès de Star Wars dès l´été 1977, de par leur mode de fonctionnement –les films ont dû attendre 1979 pour que le plein impact soit perceptible, de Buck Rogers à Star Trek, en passant par Black Hole, Moonraker ou The Shape of Things to Come, voire Alien –dont une grande partie de l´équipe avait travaillé à l´adaptation avortée de Dune par Jodorowsky. En même temps, l´immense décalage entre Star Wars et la plupart de ces productions montre à quel point l´attention maniaque aux détails qui avait marqué les différentes étapes de son élaboration le situait dans une catégorie véritablement à part (ce que confirmeraient la majorité des autres imitations tout au long des années 80). Quelque chose de véritablement différent était en jeu, ce que confirmerait l´épisode suivant, The Empire Strikes Back (1980), traditionnellement considéré comme le summum de la saga.

 

« It´s not just a movie ». On connaît ce cri fanique tiré du célèbre documentaire The People vs. George Lucas (2010), sous-entendant qu´il s´agit de tout un univers, d´un mythe, voire d´une religion ou d´une Cause. Force est de constater que le succès de Star Wars ne fut pas seulement le triomphe d´un film, puis de ses myriades de produits dérivés, d´extensions transmédiatiques, d´imitations, de parodies et d´œuvres placées sous son influence[22]. Ce fut le triomphe à la fois d´une esthétique (que l´on peut dire postmoderne, au sens « pop » donné par Eco dans son Apostille au Nom de la Rose, englobant à la fois son rétrofuturisme paradoxal et son aspect citationnel décomplexé et ludique[23]), d´un modèle narratif (le « monomythe » revu et corrigé par le storytelling classique hollywoodien) mais aussi économique et industriel (allant de la production à la diffusion, avec le triomphe de l´écran géant), d´un genre réinventé (le space opera), d´un monde de fiction (appelé déjà à déborder vers ses futures expansions, réappropriations et reconfigurations), d´une mythologie (au sens plus barthésien que campbellien, n´en déplaise à ses fans) et d´une série d´idéologèmes (retour aux valeurs cardinales américaines, allant de la libre entreprise à la Destinée Manifeste), d´une musique (le grand retour de l´épopée symphonique, à l´encontre de la musique concrète et expérimentale traditionnellement associée à la science-fiction[24]) et d´un son (tout aussi épique et déréalisant que les truquages visuels, il entraînera l´hégémonie du son multipiste en salles[25]).

À cela s´ajoute, indissolublement liés, le triomphe d´un nouveau régime de représentation (marqué par la dominante, au sens jakobsonien, des effets spéciaux), d´un mode de réception (combinant l´engouement massif du « blockbuster » inauguré par Jaws avec l´investissement fanique patiemment élaboré autour de Star Trek et la révolution du merchandising des produits dérivés), d´un mode le lecture (rendant mainstream les stratégies de l´herméneutique populaire déjà déployées par les fans à l´égard des corpus holmésiens, lovecraftiens, tolkienniens et trekkie)[26], d´un nouvel hédonisme consumériste (alliant régression et escapisme mais aussi intensité participative –de par la collection et production de savoirs xénoencyclopédiques, ainsi que d´objets transitionnels et autres extensions sémiotiques de la saga qui les prolongent et les incarnent, des t-shirts aux oreillers- qui à la fois subsume et décale la quête ostentatoire des signes statuaires de distinction sociale), voire d´une sensibilité que l´on nommera plus tard geek (et que, pastichant Sontag, on pourrait appeler la « nouvelle nouvelle sensibilité »[27]). Enfin, comme l´a analysé Henry Jenkins, c´est aussi le triomphe d´une nouvelle culture de la convergence (sous sa variante de la corporate convergence, régie par les conglomérats médiatiques). Le tout englobé dans une vaste opération culturelle performative, celle de « restaurer la narration brisée » de la Nation.

Curieusement, la prélogie fera le chemin inverse de cette refondation, marquant un formidable retour du refoulé en plein backlash conservateur de la Guerre à la Terreur, faisant de la saga une sorte de miroir inversé qui continue dans ses plus récentes itérations sous le spectre de Trump[28]. Chassé-croisé intéressant qui réactualise les contradictions inhérentes à la saga et, tout en hypertrophiant tous leurs traits à l´aune d´une corporate convergence gargantuesque, permet de projeter dans une galaxie très, très lointaine le spectre de nos guerres culturelles.

 

 

Bibliographie principale citée:

F. Ángel Moreno, La ideología de Star Wars, Guillermo Escolar, 2017

P. Biskind, Le Nouvel Hollywood, Le cherche-midi, 2002

P. Bruckner, La Tentation de l'innocence, Grasset, 1995

J. Hoberman, Make My Day : Movie Culture in the Age of Reagan, 2019, éd. Kindle

L. Jullier, Star Wars. Anatomie d´une saga, Armand Colin, 2015

L'Ecran post-moderne: Un cinéma de l'allusion et du feu d'artifice, Paris, Édition L'Harmattan, 1997

M. Kaminski, The Secret History of Star Wars, ebook, 2008

R. Mèmeteau, Pop culture: Réflexions sur les industries du rêve et l'invention des identités, Zones, 2014

J. W. Rinzler, The Making of Star Wars: The Definitive Story Behind the Original Film, Del Rey, 2007, éd. Kindle

C. Taylor, How Star Wars Conquered the Universe, NY, Basic Books, 2014

R. Wood, Hollywood from Vietnam to Reagan-- and Beyond, Columbia University Press, 2003 [1986]




[1] L. Jullier, 2015, p. 138-140

[2] Biskind cite notamment Paul Schrader, emblème du Nouvel Hollywood : “Star Wars, c´est le film qui a bouffé l´âme et le cœur de Hollywood. On lui doit la vague des bandes dessinées à gros budget, et la mentalité qui va avec » (2002, p.342). Par ailleurs, « la saga est le bouc émissaire le plus souvent cité [dans le livre de Biskind]. Pop-corn, multiplexes de banlieues battus par les vents, scénarios idiots, niveau sonore au maximum, images de synthèse omniprésentes : la faute à Lucas » (L. Jullier, 2015, p. 103).

[3] Il est d´ailleurs significatif que l´ouvrage de Lyotard (La condition postmoderne), paru en 1979, consacre la thèse de la « fin des Grands Récits » au moment même où Star Wars en fait une synthèse et triomphe justement comme incarnation du retour de ceux-ci.

[4] Lucas évoque déjà la «quête du héros » dans une note à son synopsis du premier mai 1975 “A story not only for children, but for anyone who likes the action-adventure genre to which it belongs: the Heroic Quest.”, cit in Rinzler, op. cit, p. 133, Kindle

[5] Anthropologie structurale, 1958, p. 254

[6] "Le mythe ne cache rien et il n'affiche rien : il déforme ; le mythe n'est ni un mensonge ni un aveu : c'est une inflexion. (...) Acculé à dévoiler ou à liquider le concept, il va le naturaliser. Nous sommes ici au principe même du mythe ; il transforme l'histoire en nature", R. Barthes, Mythologies, Seuil, 1971 [1957], p.202

[7] Souvent les trois aspects étant liés.

[8] “The Incoherent Text. Narrative in the 70s”, dans R. Wood, Hollywood from Vietnam to Reagan-- and Beyond, Columbia University Press, 2003 [1986], p.41sq. L´analyse de Wood oppose le regime du cinema hollywoodien classique, dominé par la tension entre la repression et les pulsions (« "Hollywood cinema expresses in virtually all its products, but with widely varying emphases, the most extraordinary tension between the Classical and the Romantic that can be imagined. No wonder that the analysis of Claisscal Hollywood movies in recent years has laid the primary stress on "contradictions", "gaps", "strains", "dislocations", id, p. 43), au cinéma du Nouvel Hollywood, marqué par une époque où "generalized crisis in ideological confidence never issued in revolution (...) Society appeared to be in a state of advanced disintegration, yet there was no serious possibility of the emergence of a coherent and comprehensive alternative. This quandary -habitually rendered, of course, in terms of personal drama and individual interaction, and not necessarily consciously registered- can be felt to underlie most of the important American films of the late 60s and 70s" (p.44). Star Wars allait justement opter pour la réinvention d´un consensus national, refondation d´un “nouvel espoir” substituant aux contradictions du Nouvel Hollywood celles de ce que l´on nommera la « révolution conservatrice ».

[9] D´où aussi l´échec du modèle simpliste de l´efficacité idéologique selon la thèse avancée par Noël Carroll dans A Philosophy of Mass Art (1998) et reprise par Jullier : « les films ne peuvent véhiculer que des clichés, des lieux communs usés qui ne produisent que du renforcement idéologique chez les spectateurs convaincus par ailleurs, sans faire changer d´avir personne » (2015, p.159).

[10] “Le présupposé idéologique le plus puissant de Star Wars est peut-être la transmissibilité de l´excellence (…). Cet aristocratisme mêlé de fatalisme peut donner lieu, bien entendu, à une lecture idéologique à la façon de Pierre Bourdieu (…) [comme] une machine fictionnelle à naturaliser la domination. Inspirateur proclamé de Star Wars, Joseph Campbell le dit d´ailleurs franchement (avec l´aide de Nietzsche) dans son livre The Power of Myth : aimons notre destin puisque nous méritons ce qui nous arrive… À ce titre, la saga tombe sous le coup du reproche qu´adressait Barthes aux mythologies modernes, elle « vide [le monde] d´histoire, pour le remplir de nature »; elle « suggère et mime une économie universelle qui a fixé une fois pour toutes la hiérarchie des possessions », puisque l´on naît ou non Jedi » (L. Jullier, 2015, p. 158).

[11] J. Hoberman parle de “anti-technological technological wonder”, ainsi que d´“ultra-authoritarian presentation with an antiauthoritarian message”. Il cite par ailleurs Clancy Sigal qui écrivait dans The Spectator que Lucas synthétisait “the most imaginatively compelling aspects of the Vietnam-era culture: the technical achievements of scientific hardware (from NASA space probes to helicopter gunships used in search-and-destroy operations) and the ascendency of mushy mysticism.”  (2019, Kindle). Braudy sera aussi sensible à cet aspect soulignant que l´Étoile de la Mort reflète le processus même de production dufilm que l´on est en train de regader, c´est-à-dire la rationalité high-tech (Refiguring  american film genres, theory & history, UCP, 1998, p. 286)

[12]Stars Wars and Close Encounters of the Third Kind were not only reassuring but regressive: through their genre and sense of wonder, they served to construct the spectator as a child. Star Wars brought glitzy high-tech and an aggressive innocence to the widely televised space opera serials of the 1930s and 1940s and elevated kindred TV kiddie shows like Tom Corbett, Space Cadet and Rocky Jones, Space Ranger to Wagnerian heights” (J. Hoberman, id, ibid)

[13] « Even more than America’s new president, Star Wars and Close Encounters channeled the new religious cults that sprouted like mushrooms from the decomposing counterculture: The Unification Church and the Divine Light Mission, Transcendental Meditation and Primal Scream, Jesus Freaks, Hare Krishna devotes, and practitioners of aggressive self-help therapies like est, Arica, and Synanon”. (J. Hoberman, 2019, p. 71, Kindle).

[14]At the top of the list was David Lynch, the young auteur behind Eraserhead and Elephant Man, and a particular favorite of Lucas´s. (...) Lynch declined. It late remerged that he had received what seemed like a much better offer: the chance to direct the big-screen, big-budget version of Dune (..) Once again, De Laurentiis had beaten Lucas to something he wanted. And once again, it would not turn out as well as planned" (C. Taylor, 2014, p.337, éd. Kindle)

[15]Il est significatif qu´après avoir théorisé « l´écran postmoderne » L. Jullier se soit intéressé à Star Wars : « Au sens large, le geste postmoderne dont relève Star Wars consistait d´abord à prendre acte des deux « échecs » auxquels étaient censés avoir mené le Classicisme [par son impuissance à améliorer le monde] et le Modernisme (…) incapable d´intéresser le grand public à ses expérimentations » (p.51).

[16] Conséquemment, bien des parents font désormais l´expérience des enfants qui trouvent la trilogie originale « trop lente », la grammaire du cinéma s´étant radicalement accélérée.

[17] Fernando Ángel Moreno en offre un catalogue tout à fait sympathique dans La ideología de Star Wars, Guillermo Escolar, 2017, p.34sq.

[18] Tout au long des sixties, les productions de Disney furent de plus en plus attaquées par la critique et boudées par le public au profit de l´expérimentalisme beaucoup plus en syntonie avec l´époque de Warner Bros. v. Kevin S. Sandler, Reading the Rabbit: Explorations in Warner Bros. Animation, Rutgers University Press, 1998, p. 41-2. Ironiquement, en essayant de connecter avec son temps, Disney produit des œuvres singulières telles que The Computer Wore Tennis Shoes (1969), culminant dans sa propre révision du space opera à la suite du succès de Star Wars, The Black Hole (1979). L´achat de la franchise par la compagnie boucle ainsi un étrange chassé-croisé où Lucas, inspiré par Disney (notamment comme modèle commercial, mais aussi avec des influences aussi variées telles que l´Oncle Picsou ou les animations de Carl Barks), finit par influencer celle-ci et leur vendre son propre modèle.

[19] « Qu'est-ce que l'infantilisme ? Non pas seulement le besoin de protection, en soi légitime, mais le transfert au sein de l'âge adulte des attributs et des privilèges de l'enfant. Puisque ce dernier en Occident est depuis un siècle notre nouvelle idole, notre petit dieu domestique, celui à qui tout est permis sans contrepartie, il forme — du moins dans notre fantasme — ce modèle d'humanité que nous voudrions reproduire à toutes les étapes de la vie. L'infantilisme combine donc une demande de sécurité avec une avidité sans bornes, manifeste le souhait d'être pris en charge sans se voir soumis à la moindre obligation. S'il est aussi prégnant, s'il imprime sur l'ensemble de nos vies sa tonalité particulière, c'est qu'il dispose dans nos sociétés de deux alliés objectifs qui l'alimentent et le sécrètent continuellement, le consumérisme et le divertissement, fondés l'un et l'autre sur le principe de la surprise permanente et de la satisfaction illimitée. Le mot d'ordre de cette « infantophilie » (qu'on ne doit pas confondre avec un souci réel de l'enfance) pourrait se résumer à cette formule : tu ne renonceras à rien !" (P. Bruckner, 1995, p. 14)

[20] Le goût contemporain pour l´uchronie finira bien par imaginer toute une série de passés alternatifs où le succès de Star Wars ne ce serait pas produit.

[21] Il est significatif qu´un des Jeunes Turcs de la New Wave, Robert Silverberg, se plaigne déjà en 1975 de l´horizon d´attente des fans : « They don´t want literary quality. They want space adventure » (D. C. Thompson, « Spec Fic and the Perry Rhodan Ghetto », Science Fiction Review, 15, 1975, p.7)

[22] IMDB compile 5123 références au premier film dans des films et épisodes de séries télé.

[23] L. Jullier évoque la « tension créée par la conjugaison éclectique, et typiquement postmoderne, entre l´ancien et le nouveau, la distance et l´engagement, le high-tech et le déjà-vu (…). Il n´existerait sans doute pas autant de raisons d´aimer Star Wars différentes les unes des autres si sous son aspect unifié (..) la saga ne cachait pas une telle brocante de genres et d´adresses au spectateur. (…) Le même éclectisme est à l´œuvre en ce qui concerne le style, la mise en scène et la scénographie, aussi bien à l´échelle d´un seul film qu´à celle de la saga tout entière » (2015, p. 50)

[24] Selon son compositeur lui-même, la musique de la saga « n´n’est absolument pas futuriste mais au contraire émotionnellement familière », et pour cause, elle prend sa source « disons, dans des idiomes de l´opéra du XIXe siècle » (cit in D. Anderson « The Film Music of John Williams », in G. Harper, éd., Sounds and Music in Film and Visual Media, Continuum, 2009, p. 468).  Dans la première trilogie, « la musique se tient comme la bande-image sur la corde raide entre la parodie et la duplication. Le thème principal fait exagérément appel aux cuivres triomphants qui doublaient l´exaltation de la victoire dans les grands films d´aventure de l´Âge d´Or, tandis que la mélancolie du thème de la Force (…) installe un climat grave. Les mélodies facilement mémorisables et les passages truffés d´accords parfaits sont globalement plus nombreux que dans les partitions des grands compositeurs de la haute époque d´Hollywood, ce qui va dans le sens de la volonté postmoderniste de faire d´abord et sensuellement plaisir » (L. Jullier, 2015, p.75).

[25] L´on sait que Lucas nommera son système d´équipement des salles selon les nouveaux standards audiovisuels THX, revanche ironique face à l´échec de son premier film ou retournement définitif de la contre-culture en Big Business.

[27] Un des traits caractéristiques de la New Sensibility que Sontag décrit dans son célèbre « “One Culture and the New Sensibility” (et qui caractérise la génération de Lucas) était justement le pluralisme esthétique et l´acceptation de la culture pop au même niveau que les référents de ce que l´on nommait auparavant la « haute culture » (v. S. Sontag, Against Interpretation, Farrar, Straus and Giroux, 1966, p.293-304)

[28] Plusieurs études retracent l´évolution idéologique de la saga. Citons, parmi les plus récentes: K. J. Wetmore, The Empire Triumphant: Race, Religion and Rebellion in the Star Wars Films, McFarland, 2017, T. Snégaroff, Star Wars, le côté obscur de l´Amérique, Armand Colin, 2018, F. Ángel Moreno, La ideología de Star Wars, Guillermo Escolar, 2019 (2e éd) et M. Schultz (éd), Postcolonial Star Wars. Essays on Empire and Rebellion in a Galaxy Far, Far Away, Cambridge Scholars, 2020