La condition féminine dans Sex and the City (1)

La condition féminine dans Sex and the City (1)

Soumis par Julie Grenon-Morin le 22/04/2013

 

La série d’HBO Sex and the City, lorsqu’elle a été mise en ondes en 1998, a eu l’effet d’une bombe: jamais encore on n’avait parlé de la femme aussi crument à la télévision, surtout en ce qui a trait à la question de la sexualité féminine. La série est inspirée d’un livre du même nom, par l’auteure Candace Bushnell. Cette version est considérée comme plus dure, notamment à cause de l’usage fréquent de drogues. Sex and the City est le titre de la chronique journalistique de Carrie Bradshaw dans le New York Star, un journal fictif. Elle-même confrontée à des hauts et des bas dans ses relations amoureuses, elle écrit surtout, malgré ce qu’indique le titre, sur la recherche de l’amour. Cette quête dans une ville telle que New York est, selon elle, des plus complexes. Les six saisons ont connu un succès sans cesse grandissant, jusqu’à ce que les créateurs mettent fin à l’aventure en 2003 avec une finale grandiose, à Paris. La série en a offusqué plusieurs, mais il n’en reste pas moins qu’elle est symptomatique d’une époque, comme le cite Kathryn Lane dans sa thèse doctorat qui lui a été consacrée: «Sex and the City nous en dit long sur nous maintenant et je prévois que, quand nous regarderons notre génération avec du recul, il nous en dira aussi long à propos de comment nous étions alors 1».

Carrie, à travers ses écrits et ses discussions entre copines, se pose donc des questions sur l’amour, l’amitié, le travail, etc. Bref, elle se questionne sur tout ce qui fait d’elle une femme dans un monde moderne où les femmes prennent leur place, pour le meilleur et pour le pire. Par ailleurs, cette féminité des personnages se métamorphose parfois en véritable féminisme. Je me concentrerai plus spécifiquement sur la saison cinq, l’avant-dernière. Celle-ci présente la particularité de ne compter que huit épisodes, contrairement aux autres saisons qui en comptent douze ou dix-huit. Cette saison est marquée par le célibat de Carrie qu’on découvre en femme cynique et désillusionnée, mais, aussi, plus drôle et sincère que jamais. De ces huit épisodes, j’observerai les cinq premiers de la saison, soit les épisodes 67 à 71 pour des raisons pratiques quant à la profusion d’éléments observables. Ils ont pour titre «Anchors Away», «Unoriginal Sin», «Luck be an Old Lady», «Cover Girl» et «Plus One is the Loneliest Number». Les titres en français, selon la traduction des DVD,  sont «On lève l’ancre», «Péché peu original»,  «Quel bonheur d’être une vieille dame», «Cover Girl» et «Plus un est le chiffre le plus triste». Ils durent tous vingt-deux minutes chacun (soit une demi-heure moins les pauses publicitaires) à l’exception des deux derniers, plus longs, qui clôturent la série.

Bien que la série tourne autour de Carrie, elle n’est pas la seule femme mise de l’avant. Ses trois meilleures amies Miranda, Charlotte et Samantha ne sont pas en reste: leurs péripéties représentent environ 50 % de chaque épisode, alors que l’autre 50 % est composé des péripéties de l’auteure. Tous les épisodes sont empreints d’une féminité ultraprésente, parfois même exacerbée. On y aborde les relations amoureuses des héroïnes d’un point de vue féminin. Ces relations étaient, durant plusieurs saisons, difficiles, mais tendent à s’améliorer à mesure que la série avance. Dans la saison cinq, le fantôme de l’ex de Carrie, surnommé Big, est toujours présent, quoiqu’il vive désormais en Californie. Bien sûr, elle fait la connaissance d’autres hommes, mais aucun ne lui plaît réellement. Cependant, dans l’épisode quatre, Carrie rencontre Jack Berger pour qui elle ressent le coup de foudre, jusqu’à ce qu’il la déçoive lui aussi. Les amitiés féminines des quatre personnages principaux sont également une facette de la féminité présente dans la série. C’est au Coffee Shop que se déroulent principalement leurs conversations qui orientent souvent leurs choix, tant personnels que professionnels. Ces femmes sont financièrement autonomes et profitent de leur liberté. Leurs revenus leur permettent de se payer de nombreux vêtements et de prendre «soin» de leur apparence. Finalement, la carrière de chacune des femmes, et particulièrement celle de la narratrice et écrivaine Carrie, est une part importante de leur vie de femme. Les personnages se réalisent à travers leurs emplois… ou leur absence: Miranda est avocate, Samantha est spécialiste en relations publiques et Charlotte, d’abord galeriste, devient une femme à la maison.

 

Les relations amoureuses

L’épisode «Anchors Away» commence avec Carrie, qui se rend seule au cinéma. À défaut d’avoir une relation amoureuse, elle se contente et même se réjouit de la possibilité de profiter de tous les attraits de New York à la place. En fait, dans cet épisode, nous voyons plus que jamais à quel point la protagoniste vit une relation fusionnelle avec la Grosse Pomme. Comme le fait remarquer Miranda: elle a «rendez-vous avec la ville2». Cependant, la ville lui montre que, tout comme un homme, elle ne possède pas que des qualités, selon les dires de la narratrice. Ainsi, Carrie souhaite se rendre au Musée Guggenheim, puis se rend compte qu’il est fermé. La pluie commence alors à tomber densément et elle se réfugie sous un porche où un homme séduisant lui fait comprendre qu’elle parle trop et bizarrement. Ensuite, elle se rend dans un café bondé où un des employés lui crie au visage que les gens seuls doivent s’asseoir au comptoir.

Dans la saison 5, Carrie est perpétuellement célibataire, ce qui n’est pas le cas des autres saisons. Ses relations en dents de scie sont, le plus souvent, teintées de tristesse quand ce n’est pas d’amertume. La figure phare masculine aux côtés de l’héroïne est sans nul doute Big (dont on ne connaîtra le prénom qu’à la toute fin de la série: John). Comme elle le dit elle-même, en homme d’affaires prospère, il est le «Chrysler Building3» de New York. D’ailleurs, cela est probablement un choix délibéré, Big quitte la ville pour la Californie à peu près à l’époque des évènements du 11 septembre 2001. Cependant, avant de filer le parfait bonheur avec lui, Carrie s’attache à d’autres hommes. Pour certains, elle pourrait sembler volage, mais, comme le stipule l’actrice qui l’incarne, Sarah Jessica Parker, elle est dotée d’un sens moral: «Carrie est une personne très honnête. Vous pouvez dire beaucoup de choses sur elle, mais elle a un compas moral4».

Carrie est sans cesse à la recherche de celui qui serait «assez fort pour la rattraper si [elle] tombe5». C’est en ces termes qu’elle s’exprime à Charlotte lors de son deuxième mariage, dans la saison 6. Dans la saison 5, Charlotte est séparée de Tray McDougall et sur le point de divorcer de son premier mari. Dans l’épisode «Unoriginal Sin», difficile de ne pas constater à quel point celle-ci est ébranlée par la tournure des choses. Elle confie à son groupe d’amies qu’elle se rend régulièrement à des séminaires pour retrouver sa foi en l’amour. Accompagnée de Carrie qu’elle a traînée presque de force, elle prend le microphone devant une foule imposante et se confie: en quittant sa vie, son conjoint a emporté avec lui sa force et son espoir habituels. L’animatrice du séminaire lui répond qu’elle n’essaie pas assez fort, mais Carrie rétorque que c’est faux. L’amitié, est donc, dans ce cas-ci, mais à plusieurs autres endroits, la bouée de sauvetage des quatre femmes lorsqu’elles éprouvent des problèmes dans leurs relations amoureuses. Dans le premier épisode de la saison 5, on remarque une nouvelle fois la psychologie chambranlante de Charlotte. Lors d’une conversation au traditionnel Coffee Shop, Charlotte informe Carrie d’une lecture récente: chaque personne n’a que deux véritables amours dans sa vie. Elle en vient donc à la conclusion que Carrie ne connaîtra plus l’amour, puisqu’elle a eu des relations avec Aidan et Mr. Big. Bien évidemment, les trois autres femmes rétorquent que c’est faux et Charlotte concède finalement que cet article ne voulait rien dire. Le questionnement de Charlotte se poursuit dans «Cover Girl», alors qu’elle tente de trouver des réponses grâce à des livres de psychopop fictifs. Lors de sa séparation et de son divorce d’avec Tray, on voit Charlotte tour à tour humiliée, perdue et profondément triste; elle se sent dépassée par les évènements. Mettre en scène un divorce est certainement un bon coup des créateurs de la série, puisqu’ils foisonnent ni plus ni moins dans la société occidentale et plus encore en États-Unis. Des milliers de femmes se sont probablement identifiées à Charlotte. Toutefois, comme cela est souvent le cas dans Sex and the City, le tout est présenté de manière humoristique et n’est jamais lourd à regarder.

Dans «Unoriginal Sin» et «Luck Be an Old Lady», les nerfs de Samantha sont également soumis à rude épreuve par rapport à une des seules relations sérieuses de cette dernière. L’homme d’affaires Richard Wright a trompé Samantha, à la fin de la saison 4, puis tente de se faire pardonner dans la saison 5. Ils reviennent ensemble dans «Unoriginal Sin», puis se quittent l’épisode suivant. Après cette rupture, Samantha se métamorphose en femme désorientée, ce qui est peu coutumier pour ce personnage d’apparence solide et sûr de lui. Pour K. Lane, la personnalité de Samantha est à mettre en lien avec son appartement:

Nous ne pouvons pas passer outre la structure dominante du lit de ce personnage [c.-à-d. celui de son premier appartement, dans les premières saisons]. (…) L’identité de Samantha n’est pas contenue dans son appartement, mais dans sa chambre à coucher. (…) Le personnage de Samantha brise plusieurs stéréotypes culturels des femmes et du sexe avec ses dialogues et ses actions tout au long de la série6.

Samantha est probablement la plus complexe des quatre femmes, celle qui choque le plus et dont on se souvient le plus également. Pour ceux qui seraient tentés de la juger sévèrement, il faut retourner en arrière à la saison quatre pour mieux la comprendre. On apprend qu’à l’âge qu’elle a alors (le début de la quarantaine), sa mère avait un mari alcoolique et élevait seule ses quatre enfants. Il faut être très attentif à ces aveux de la part du personnage, puisqu’ils ne font pas l’objet de véritable discussion; l’accent n’est pas mis sur la condition de Samantha.

À la lumière de ces informations, nous sommes mieux à même de comprendre les agissements de la plus dévergondée de la série. En fait, Samantha est la plus fragile, malgré les airs de confiance et d’assurance qu’elle affiche. Si elle se console à travers ses nombreuses aventures, c’est parce qu’elle n’ose pas se laisser aller à ses sentiments. Dans la saison cinq, elle le fait avec Richard Wright. On sait aussi qu’elle a vécu une grande peine d’amour suite à sa rupture avec un homme d’affaires nommé Dominic qu’elle retrouve par hasard et qui finit par la larguer une seconde fois. Finalement, à la fin de la série, elle vit en couple avec Smith Jared, ce qui constitue probablement son histoire d’amour la plus significative. Samantha est donc une femme émancipée, mais aussi torturée. Elle refrène avec difficulté ses instincts de «femme domestique», pour reprendre l’expression d’E. Morin. Pour lui, l’archétype de la femme moderne se décline comme suit: la femme est une «femme émancipée, certes, mais dont l’émancipation n’a pas atténué les deux fonctions, séductrice et domestique, de la femme bourgeoise7». Malgré les nombreuses difficultés de Samantha, elle parvient tout de même à concilier les deux fonctions donc nous parle le chercheur. Selon le ton de la série, le personnage n’y serait pas parvenu sans l’aide de ses amies et… une bonne dose d’humour.

L’épisode «Luck Be an Old Lady» est, quant à lui, une métaphore filée du jeu et de l’amour. Dans cet épisode, Carrie insiste pour que les quatre femmes se rendent à Atlantic City. Bien vite, on comprend que Carrie a renoncé à l’amour et veut plutôt se consacrer à ses amies. Il en sera davantage question dans le chapitre suivant. De plus, dans l’épisode «Plus one is the loneliest number», nous constatons une nouvelle fois une parcelle de la conception de l’amour selon Carrie et sa recherche perpétuelle. Elle fait la rencontre de l’écrivain Jack Berger, qu’on pourrait qualifier de rencontre «bizarre». Jack et elle ont un coup de foudre réciproque, mais ce dernier a mis beaucoup de temps avant d’avouer qu’il était en couple. Suite à cet évènement, Carrie retombe dans sa tristesse devenue presque habituelle, savourant plutôt son succès en tant qu’écrivaine. Ce n’est que dans les épisodes suivants qu’il y a rapprochement entre elle et Berger, devenu lui aussi célibataire.

À mesure que la saison 5 avance, Charlotte reprend confiance en elle et s’ouvre progressivement à une nouvelle histoire d’amour. Visiblement, elle n’est pas encore complètement retombée sur ses pattes puisque, dans «Cover Girl», elle commet un impair qu’il lui coûtera sa nouvelle relation. En effet, elle cache à son nouvel amant qu’elle est encore mariée. Lorsqu’il le découvre, il laisse Charlotte qui ne voulait pourtant pas mal faire. Si Charlotte est bousculée dans ses plans, c’est à cause de la mère de son futur ex-mari, l’Écossaise Bunny. En se séparant, Tray avait laissé son somptueux appartement de Park Avenue à sa conjointe, mais la belle-mère ne souhaite pas que les choses soient ainsi. Puisque l’appartement appartient à la famille McDougall, il devient un élément litigieux dans le divorce. Donc, Bunny se sent libre d’aller et venir dans «sa» propriété et fait irruption un matin, alors que Charlotte est au lit avec son nouvel amoureux. Triomphante, la belle-mère informe l’homme de l'état matrimonial de l’amie de Carrie. Ainsi, comme nous venons de le voir, Carrie, Miranda, Charlotte et Samantha ont toutes une vie émotionnelle chargée. Elles s’épaulent mutuellement pour faire face aux évènements, surtout ceux qui les confrontent à un monde dur.

 

Les amitiés féminines

Le thème de l’amitié constitue l’apothéose de Sex and the City. L’amitié entre les quatre femmes est leur «filet de protection», pour reprendre une expression de Carrie dans la saison 6. Presque totalement dénuées de toutes formes de conflit, les relations de Carrie avec ses amies sont ce qu’elle accomplit possiblement le mieux. D’ailleurs, le quatuor a déjà fait le serment d’être des «âmes sœurs» les unes pour les autres (saison 4). Pour Lane, l’amitié est en effet le socle de la série et les amitiés du personnage principal de Carrie sont ses relations interpersonnelles les plus notoires. Elles la libèrent des contraintes de sa vie intime dysfonctionnelle: «Le corps de Carrie en tant qu’objet sexuel est un espace clôt d’où elle ne peut pas sortir, mais, en même temps, son corps de femme est la clé qui lui permet d’entrer dans la plus importante relation de sa vie – ses amitiés avec les autres personnages de femme8». Toute la série repose sur le fait que Carrie ne parvient pas à trouver le bonheur en amour. Tantôt, elle croit avoir trouvé l’homme qui lui fallait, tantôt celui-ci ne se montre pas à la hauteur. Elle va de rupture en rupture et ne parvient qu’à la toute fin de la série à concilier tout ce qui lui est cher. Les hommes de Sex and the City sont des personnages présentés comme des êtres décevants, mais pas les amitiés féminines. Carrie, surtout, pourrait être qualifiée d’excellente amie: «Alors que les relations de Carrie avec les hommes sont chargées et difficiles, ses relations avec Charlotte, Miranda et Samantha sont toujours fortes et vibrantes. Elle est un bon support, une bonne oreille et sans jugement9

Le thème de l’amitié est particulièrement présent dans l’épisode «Luck be an Old Lady». En fait, Carrie s’y rattache désespérément puisqu’elle a perdu l’espoir de trouver quelqu’un. À l’approche du faux anniversaire de Charlotte (elle prétend qu’elle ne vieillira plus et restera au même âge), Carrie organise un voyage à Atlantic City. Elle considère que de rencontrer quelqu’un de nouveau est risqué, alors qu’elle est certaine de s’amuser en compagnie de ses copines. Carrie est renforcée dans ses convictions lorsque, dans l’autobus qui les conduira à destination, elle ne voit que de vieilles femmes, ce qui lui fait dire que les hommes sont soit morts, soit avec des femmes plus jeunes. Elle informe Miranda que, dans ces circonstances, l’amitié est un investissement à long terme pour éviter les futures écumes de la solitude.

Des trois filles, cependant, Miranda est la plus proche de Carrie. En plus des sorties entre filles et de leurs rencontres au Coffee Shop les quatre ensemble, elles sont souvent en contact seulement toutes les deux. Par exemple, nombreuses sont les scènes où on voit les deux femmes discuter au téléphone. À ne pas en douter, Miranda et Carrie sont de meilleures amies. À Atlantic City, Carrie prend sa défense, alors que des hommes l’insultent à cause de son surplus de poids postnatal. Cependant, peu d’éléments permettent de dire que Carrie préfère Miranda aux deux autres filles. Par exemple, toujours dans «Luck be an Old Lady», elle qui n’est pas très riche, Carrie propose d’inviter ses amies à manger dans un restaurant chic, puisque «Rien n’est trop beau pour ses dames10». Cependant, durant son séjour, Carrie se rend compte qu’elle se cache derrière ses amies, effrayée d’être la perdante par rapport à l’amour. Elle prend pourtant conscience qu’aucune de ses amies n’entrevoit les choses de la même manière qu’elle, avec autant d’intensité en ce qui concerne à leur amitié. Elle se repositionne alors dans ses considérations sur l’amour: «Pour toucher au gros lot, dans le futur, peut-être faut-il miser sur où on est dans le présent11». Ainsi, dans les épisodes suivants, on entrevoit une Carrie qui s’ouvre plus à l’amour, malgré les déceptions du passé.

Le thème de l’amitié est également en évolution, durant la série. Pendant cette même saison, le personnage de Miranda change beaucoup, si ce n’est pas drastiquement. Sa vie est sujette à maints changements, ce qui n’est pas sans heurter le personnage de Samantha. Bien que Miranda finisse par prendre la venue de son bébé, Brady, comme un nouveau bonheur (même s’il n’était pas planifié), ce n’est pas le cas de Samantha, la célibataire endurcie. Dans le premier épisode de la saison, elle se montre dure envers la nouvelle maman et refuse que les choses changent, c’est-à-dire que le bébé perturbe leurs sorties et rencontres ensemble. Alors que Miranda vit des moments difficiles par rapport à son nouveau rôle de mère (elle ne dort presque plus et ne sait pas comment faire pour empêcher Brady de pleurer sans arrêt), Samantha montre un détachement complet face aux difficultés de son amie. Pour Samantha, Miranda a fait son choix d’avoir un bébé et elle doit l’assumer, alors que Carrie et Charlotte se montrent beaucoup plus conciliantes et aidantes. La relation entre Samantha et Miranda est donc tendue, mais Carrie saura les réconcilier. La grossesse de Miranda, annoncée dans la saison 4, est, pour ainsi dire, un gros évènement de la série qui viendra changer son rythme. Les interactions entre les quatre femmes sont modifiées, puisque la nouvelle mère n’a plus les mêmes horaires ni les mêmes objectifs. Ainsi, la série montre plusieurs facettes de la femme: la mère, l’amie, la célibataire, etc., toujours avec un souci de dépeindre réalistement leur quotidien.

L’amitié sans heurt n’est probablement pas réaliste non plus et, dans «Cover Girl», le ton monte entre Carrie et Samantha. Cette dernière veut aider son amie dans sa tâche de trouver un ensemble pour la séance-photos pour le livre de Carrie. Samantha s’offusque que son choix ne lui plaise pas et estime que son amie fait preuve de mauvais jugement. En fait, comme il a été déjà mentionné plus haut, Samantha traverse une phase difficile sur le plan amoureux. Un des rares hommes qu’elle n’ait jamais aimé l’a trompé et elle se remet avec difficulté de ce choc. Sa confiance rompue, elle a quitté Richard. Samantha explique ses débordements à son amie Carrie: «Depuis ce connard de Richard, je ne sais même plus qui je suis12». Puis, en réponse à cette prise de conscience, la narratrice, en la personne de Carrie, commente les propos de sa copine: «Et c’est ainsi que j’ai compris ce qui se cachait sous les apparences de Samantha11». Par cet aveu, Samantha laisse entrevoir toute sa fragilité, elle qui, d’ordinaire, affiche des airs presque démesurés de confiance en elle. Ainsi, bien qu’elles soient amies depuis longtemps, la relation amicale de Samantha et de Carrie, mais aussi avec les deux autres femmes, est en constant développement. Elle s’approfondit alors que, suite à l’enchaînement des évènements, les quatre femmes se connaissent de mieux en mieux. Il s’agit, cette fois encore, d’un portrait réaliste des relations interpersonnelles de ces femmes new-yorkaises.

Finalement, en ce qui a trait à l’amitié, je souhaite conclure sur une image fortement symbolique présente dans l’épisode «Luck be an Old Lady». Celui-ci est orienté par deux photographies: d’abord, une prise des années plus tôt, puis une prise à la fin de l’épisode. Dans les deux cas, les photos ont capturé les quatre femmes réunies, signe d’amitié cher à Carrie. Comme pour «sceller» leur relation d’amitié, elles refont une photo à l’intérieur de l’autobus qui les ramène à New York. Sex and the City est donc un réel hymne à l’amitié. D’ailleurs, aux dires de Carrie elle-même: «L’amitié ne se démode jamais13».

À SUIVRE

 

BIBLIOGRAPHIE

LANE, Kathryn. More than Girl Talk: Situating Sex and the City in Feminist Conversation, thèse de doctorat, Université de Lafayette, Louisiane, 2009.

MORIN, Edgar. L’esprit du temps, Paris, Grasset, Le Livre de Poche, coll. Essais, 1975.

Sex and the City Transcripts. En ligne, consulté le 1er décembre 2012. [www.satctranscripts.com]

Sex and the City. The Complete Series (2005) (DVD) New York: HBO Videos. 20 DVD.

SOHN, Amy. Sex and the City. Kiss and Tell, New York, Pocket Book, 2002

 

  • 1. Kathryn Lane, More than Girl Talk: Situating Sex and the City in Feminist Conversation, thèse de doctorat, Université de Lafayette, Louisiane, 2009, p. 2. Toutes les traductions ici sont de l’auteure du présent texte.
  • 2. Sex and the City. The Complete Series, épisode «Anchors Away», saison 4 (2005) (DVD) New York: HBO Videos. 20 DVD.
  • 3. Sex and the City. The Complete Series, épisode «I heart New York», ibid.
  • 4. Amy Sohn. Sex and the City. Kiss and Tell, New York, Pocket Book, 2002, p. 22.
  • 5. Sex and the City. The Complete Series, épisode «The Catch», saison 6, op. cit.
  • 6. Lane, op. cit., p. 94.
  • 7. Edgar Morin, L’esprit du temps, Paris, Grasset, Le Livre de Poche, coll. Essais, 1975, p. 169.
  • 8. Lane, op. cit., p. 66.
  • 9. Kiss and Tellop. cit.,  p. 19.
  • 10. Sex and the City. The Complete Series, épisode «Luck be an Old Lady», saison 5, op. cit.
  • 11. a. b. Idem.
  • 12. Sex and the City. The Complete Series, épisode «Cover Girl», op. cit.
  • 13. Sex and the City. The Complete Series, épisode «The Real Me», op. cit.