Appels à contribution

POP-EN-STOCK est constituée de dossiers thématiques à composition rapide ainsi que d´articles individuels ("Zone Libre") sur tout ce qui concerne la culture populaire contemporaine. Deux articles seulement sont requis pour lancer un numéro de POP-EN-STOCK. On préconisera les numéros à stricte thématique d’objet, comme dans les deux premiers numéros sur L’Érotique du vampire contemporain et le Slender Man ― croque-mitaine du web 2.0.

Les dossiers thématiques, comme les articles individuels, sont à soumission ouverte. Une fois un numéro thématique « lancé », il demeure ouvert, indéfiniment, à quiconque voudrait y soumettre une collaboration. Le(s) directeur(s) d’un dossier s’engage(nt) à évaluer et éditer les nouvelles propositions à leur dossier pour une durée de deux ans, sous la supervision des directeurs de la revue.

La longueur des articles est variable. POP-EN-STOCK accepte une limite inférieure équivalent à sept ou huit pages (3000 mots), afin de favoriser la publication rapide, mais peut aussi accepter des articles beaucoup plus longs selon l’offre (n’étant pas limitée par un impératif de préservation de la forêt boréale).

POP-EN-STOCK, c’est la rigueur d’une revue savante imprimée adaptée aux avantages du web.

 

APPELS A CONTRIBUTION

 

LE SLENDER MAN — croque-mitaine du Web 2.0.

Il est né sur les forums de Something Awful et s'est répandu sur le Web comme une traînée de poudre, comme une forme qui n'attendait que d'être nommée, comme une chose qui était déjà là. Dans ce dossier, nous tenterons de comprendre la noire fascination exercée par le Slender Man sur toute une génération d'internautes réactivant consciemment et inconsciemment de vieux archétypes culturels pour créer un mythe nouveau de la terreur.

 

Responsable du Dossier: Samuel Archibald

 

EROTIQUE DU VAMPIRE CONTEMPORAIN

Dès son inscription littéraire dans la culture savante au milieu du siècle des Lumières, la figure du vampire est singulièrement érotisée, en contraste radical avec la tradition populaire qui en faisait un avatar sanguin du simple mort vivant. C´est encore l´érotisme qui sous-tend la prégnance de ce mythe dans l’iconosphère contemporaine, envahie depuis le début du millénaire par une surenchère transmédiatique et véritablement planétaire de vampires. Si les visages vampiriques de Kristen Stewart et Robert Pattinson dans leurs rôles respectifs de Bella Swan et Edward Cullen dominent du haut de leur über-stardom olympien les magazines people de toute la planète, twifans et twihards se comptent par milliers, échangeant sur les réseaux sociaux cybernétiques leurs potins pré, ultra ou post-adolescents au sujet de la saga vampirique de Stephenie Meyer (70 millions de livres vendus et 383 millions de dollars de recettes pour le premier film). L´invasion vampirique est partout déclarée, des grands écrans aux petits (True Blood, The Vampire Diaries, etc.), des jeux vidéos (Vampire : the Masquerade, etc.) aux bandes dessinées (du manga de Maruo Suehiro Vampyre au webcomic LaMortéSisters) des communautés Facebook aux tatouages des tribus urbaines. 

L´on peut, à la lumière de ses variations contemporaines, s´interroger sur ce qui constitue aujourd’hui l´érotique du vampire (et ce qui reste de ses invariants), en s´appuyant sur des approches pluridisciplinaires qui vont des études culturelles à la sémiologie, la sociocritique, les études filmiques, la ludologie, les études hypermédiatiques, la mythocritique, l´histoire de l´art, la sexologie, etc.

Responsable du Dossier: Antonio Dominguez Leiva

 

CINÉMA DE L'EXTRÊME

 

L’extrême est cette frontière que l’on franchit afin d’en créer une nouvelle. Il invite à briser les règles pour en imposer d’autres qui seront à leur tour remises en question. Provocant et révolutionnaire, l’extrême est constamment dépassé par lui-même. Incapable de demeurer en place, il garde le cap vers de sauvages territoires à explorer.  

Au cinéma, il s’exprime à travers ces œuvres qui, à leur manière, viennent pousser les bornes du médium. Ces films ne se limitent cependant pas à tenter d’atteindre un paroxysme dans la représentation de la violence et du sexe à l’écran. Contrairement à ce cinéma extrême, le cinéma de l’extrême va beaucoup plus loin. Il expérimente le septième art sous tous ses angles, autant son esthétique et sa narration que son économie, sa politique et sa diffusion. Son corpus inclut les films d’Alain Robbe-Grillet, tout comme ceux de Roberto Rossellini, Jess Franco, Denis Côté, Kioshi Kurosawa, Daniel Cockburn et Belà Tarr. Sans oublier ceux des cinéastes à venir, ces façonneurs du prochain cinéma de l’extrême.

L’objectif du présent dossier consiste à élaborer une cartographie du cinéma de l’extrême dans son ensemble. Tout en conservant une perspective historique afin d’analyser certains films de l’extrême dans le contexte de leur époque, il demeurera à l’affût de l’actualité cinématographique. À l’image de son sujet, ce dossier se présente sous plusieurs formes. En plus d’articles théoriques examinant un aspect précis du cinéma de l’extrême, le lecteur y découvrira également de brèves présentations d’œuvres ainsi que des entrevues avec des réalisateurs. 

Responsable du Dossier: Simon Laperrière

 

LA MADONE DU SUPERBOWL

Dimanche dernier (le 5 février 2012), Madonna a animé le spectacle de la mi-temps du Superbowl XLVI.

Pop-en-stock a voulu réagir à cet événement médiatique planétaire par un petit dossier surprise, animé d'ores et déjà par la polémique entre la célébration de la vitalité transgressive de la Reine de la Pop et le constat de la fatigue d'une spectacularité néobaroque poussée à bout.

Ce dossier sera donc consacré à interroger cet événement médiatique en s´appuyant sur des approches pluridisciplinaires qui vont des études culturelles à la sémiologie, la sociologie, les théories de la performance, les women et queer studies, la mythocritique, les études hypermédiatiques, la musicologie, l´histoire de l´art et la sexologie, entre autres.

 

Responsables du Dossier: Antonio Dominguez Leiva et Hélène Laurin

 

LE CRÉPUSCULE DES SUPERHÉROS

Apparus aux lendemains du krach boursier comme personnages-phares des comic books adoptés comme lecture de prédilection par les enfants de l’époque, les super-héros, avec leurs costumes colorés et leurs pouvoirs extravagants, émergèrent comme la version américaine du mythe du surhomme. « Héros positif qui doit incarner, au-delà de toute limite, les exigences de puissance que le citadin ordinaire nourrit sans pouvoir les satisfaire » selon les termes de la célèbre analyse d´Umberto Eco dans Le mythe de Superman, le super-héros américain est condamné à perpétuer une série d´idéologèmes inscrits dans la structure de ses récits mêmes (ne pouvant se consumer, il est voué à une temporalité itérative qui annule toute progressivité; modèle de l´homme « hétérodirigé », il est une « conscience civile complètement séparée de la conscience politique »).

Toute une industrie culturelle se bâtira sur ces coordonnées initiales, créant un véritable système tout aussi itératif que les récits, les personnages et les actions qu´il met inlassablement en scène. Symptomatiquement ce système entrera en crise au moment même où le mythe du surhomme s´hypertrophie en pleine réaction néoconservatrice contre les supposés excès de la contre-culture (qui avait allègrement parodié ce même mythe dans les comix underground). En effet, c´est dans l´Angleterre de Thatcher et dans les Etats-Unis de Reagan et Rambo que surgissent deux romans graphiques séminaux publiés par l’éditeur DC Comics, The Dark Knight Returns de Frank Miller (1986) et Watchmen d’Alan Moore et Dave Gibbons (1987). Miller propose une version glauque de Batman en en faisant un quinquagénaire sortant de sa retraite pour reprendre sa croisade contre le crime, poussant la logique d’application de la justice jusqu’à en devenir un vigilante tortionnaire au modus operandi versant dans le totalitarisme, alors que Moore et Gibbons créent un groupe de justiciers masqués dont la ligne de partage entre le bien et le mal est si floue qu´elle met en question une sorte de théodicée pervertie.

Chacune à leur manière, ces deux oeuvres interrogent les fondements même de la figure du super-héros en en problématisant toutes les coordonnées (la consumation temporelle, la crise de l´hétérodirection, la question de la progressivité et de la conscience politique, l'inflation de cosanguinité diégétique restreignant le lectorat, etc.). Ce dossier vise à aborder la problématisation et la dégradation du super-héros entamée par ces deux oeuvres charnières et approfondie par les multiples héritiers de ce véritable « crépuscule des idoles » nietzschéen.

 

Responsables du Dossier: Antonio Dominguez Leiva et Gabriel Tremblay-Gaudette

 

 

LADY GAGA, QUE LA REINE DE LA POP SE LÈVE

Depuis la sortie de son premier album The Fame en août 2008, Lady Gaga domine la scène médiatique américaine et mondiale de la culture pop. Bien que sa musique suscite de nombreuses critiques, c’est surtout le personnage qu’elle incarne qui provoque fascination et discussion. Lady Gaga incarne la pop américaine et un Zeitgeist de l’extrême contemporain permettant d'explorer différentes facettes du cliché de l'icône de la pop star. La chanteuse de « Poker Face » et de « Born This Way » est avant tout une artiste de la performance qui, à travers la construction identitaire et l’iconographie grotesque de ses vidéoclips, questionne la culture pop qui la met en scène.

Ce dossier invite des textes consacrés au phénomène Gaga, reine de la pop des années 2010, héritière de Madonna, mais également influencée par les mouvements artistiques des avant-gardes et postmodernes. Nous tenterons de comprendre la fascination exercée par cette star de la pop en privilégiant des analyses qui traitent des influences culturelles sur Lady Gaga elle-même, ainsi que de l'impact de Lady Gaga dans la culture populaire et dans les arts de la performance contemporains.

Responsable du Dossier: Alice van der Klei

 

HUNGER GAMES, A L`OMBRE DE LA GRANDE RECESSION

Écrit au cœur de la « Grande Récession » économique, Hunger Games (2008) éveille dès son titre le spectre du traumatisme qui le fonde, la paupérisation, voire tiers-mondisation de la « terre de l´opulence », « the land of plenty ». Quatre ans après l´adaptation filmique s´inscrit toujours à l´ombre de cette angoisse, véritable retour du refoulé au sein du monde globalisé par l´hyperconsommation.

Recyclage (l´ère étant, de facto, dévolue aux remakes et aux réécritures) d´un topos convenu de la dystopie science-fictionnelle, celui de la chasse à l´homme télévisuelle la saga s´adresse à ce nouveau public adolescent déniché (et, pourrait-on dire, refondé) par Rowling dans sa reprise de la mythologie traditionnelle de la Fantasy et ensuite vampirisé par Stephenie Meyer. De même que celle-ci réinventait l´érotique vampirique pour les nouveaux teens des virginity balls, Collins reprend la tradition dystopique des chasses à l´homme médiatiques pour en faire une tragédie du coming of age en milieu néolibéral.

Le succès de cette opération (l´œuvre est devenue la « favorite de tous les temps » sur Kindle, détrônant même Jane Austen dans les passages les plus souvent « soulignés » par les utilisateurs) en fait un véritable phénomène de masses que nous ne pouvons ignorer et qui ouvre à quantité d´interprétations. S´agit-il d´une attaque du Big Governement en vertu des valeurs du « survivalisme » darwinien des Pionniers américains ou au contraire d´un manifeste contre le fascisme de l´Amérique post-bushiste, en syntonie avec la génération de Occupy Wall Street ? Est-ce un manuel de survie pour les adolescents de la crise économique ou une contestation de la manipulation médiatique ?

Seront analysés les différents aspects de cette saga, de l´idéologie politique à la politique des genres sexuels, de la topique science-fictionnelle aux problèmes d´adaptation filmique et aux prolongements hypermédiatiques de cet univers de fiction en fulgurante expansion.

 

Responsable du Dossier: Antonio Dominguez Leiva

 

SHOW LAPIN

« Dans le film Matrix, Neo doit suivre un lapin blanc s’il veut découvrir ce qu’est la matrice, soit l’interface langagière dans laquelle il se trouve. Sans nul doute, il y a là des traces du lapin d’Alice au pays des merveilles, celui-là même qui creuse le trou dans lequel Alice tombe avant de se retrouver dans le monde merveilleux de l’imaginaire. Par l’entremise de son terrier, le lapin est d’ailleurs un animal qui fait constamment le passage entre un monde intérieur et extérieur. » — Francis Gauvin, groupe de recherche de l’Observatoire de l’imaginaire contemporain III, 2011-2012, Université du Québec à Montréal.

Le dossier du Show lapin lancé dans POP-EN-STOCK invite des textes consacrés à la figure du lapin dans la culture populaire contemporaine. Le dossier a pour objectif de décrire et d’analyser les manifestations du lapin comme élément marquant des domaines littéraire, médiatique et artistique. Il s'agira d'étudier les variantes esthétiques et conceptuelles du lapin. Vous pouvez nous envoyez vos courtes contributions pour ce dossier dès aujourd'hui.

Pour ouvrir ce dossier, le groupe de recherche de l’Observatoire de l’Imaginaire Contemporain (l’OIC) en association avec le laboratoire NT2, l'équipe de recherche Éric Lint, le centre de recherche Figura et la revue POP-EN-STOCK ont organisé un Show lapin le 5 avril 2012 à l'Université du Québec à Montréal.  Les premiers résultats de recherche des représentations de la figure du lapin dans l'imaginaire collectif sont diffusés dès la fin de semaine de Pâques dans la revue POP-EN-STOCK.

Pour en savoir plus sur le Show lapin, visitez le blogue #Show lapin des lapins Bunny & Clyde.

 

Responsables du dossier: Alice van der Klei et Ariane Savoie

 

YOUTUBE STUDIES

L´univers vertigineux et virtuellement infini de YouTube, dont le Big Bang remonte à février 2005, est désormais un des faits de civilisation majeurs de ce début de millénaire. Avec 60 heures de nouvelles vidéos publiées chaque minute et huit cent milliards de visiteurs uniques par mois (qui y passent en moyenne quinze minutes par jour), il constitue le troisième site le plus visité d´Internet, après Google et Facebook.

Héritière tout à la fois du vidéoclip, des home movies et du spot publicitaire qu´elle intègre en une synthèse protéiforme, l´esthétique du clip YouTube installe un rythme boulimique de consommation qui redéfinit notre rapport au récit et à l'image, ingurgités tous deux en des temps record avant d´être substitués par des nouveaux contenus surgis des multiples fenêtres qui entourent, tentatrices, toute capsule publiée dans le site.

Véritable invitation à la dérive labyrinthique dans une digression illimitée sous le signe de la surprise et la défamiliarisation permanentes, la mosaïque YouTube plonge le spectateur dans un polycentrisme nouveau où  il est désormais le centre ex-centré de sa propre perception. C´est là où ce site hypermédiatique, qui est en passe de devenir une Gestalt à part entière, montre de façon éclatante tout ce qui le distingue du projet encyclopédique tel que pouvaient le concevoir l´âge classique et les Lumières.

Or, malgré l´importance cruciale de ce nouveau territoire du cyberespace celui-ci reste une véritable terra incognita dans les études académiques, à peine cartographiée par le pionnier YouTube Reader édité par Pelle Snickars et Patrick Vonderau en 2009 (Stockholm: KB).

C´est donc à l´émergence d´une véritable branche de médiologie culturaliste, les « YouTube Studies » que ce dossier voudrait modestement appeler. Toutes les approches disciplinaires pour tenter de cerner l´étendue de cette nouvelle iconosphère sont les bienvenues.

 
Responsable du Dossier: Antonio Dominguez Leiva

 

POLITIK 2.0

Afin d'appuyer et de commémorer le printemps étudiant québécois, POP-EN-STOCK lance dans la stratosphère son dossier consacré à la politique de résistance telle qu'elle s'effectue aujourd'hui, au moyen de médias sociaux, d'attaques informatiques et de masques de Guy Fawkes. Un espace où réfléchir à la culture démocratique de la geek generation.

 

Responsable du Dossier: Samuel Archibald

 

MÉTAHORREUR(S)

 

Genre fondé sur le déplacement esthétique de contenus folkloriques et démonologiques préalables, le Gothique, on le sait, a toujours eu partie liée avec la métaréférentialité à travers quantité de topoï dont le plus célèbre reste celui du manuscrit trouvé.  Mais c´est dans le sillage de la récupération pop des formules postmodernes que s´est opéré le véritable tournant métafictionnel du genre, plus précisément dans la transition du New Gothic des années 1980 (Angela Carter, John Hawkes, Joyce Carol Oates, Patrick McGrath, etc.) à sa réappropriation et diffusion midbrow, notamment dans l´œuvre de Stephen King (de Misery à Lisey´s Story) et le succès planétaire de la franchise cinématographique des Scream (1996-2011).

Annoncé par une célèbre anthologie intitulée explicitement Metahorror (D. Etchison, 1992), un nouveau regard sur le genre (voire un authentique sous-genre) triomphe désormais, essaimé dans quantité d´oeuvres du tournant du millénaire, allant du Lunar Park de Brett Easton Ellis (2006) au Drood de Dan Simmons (2009), de la saga graphique de Neil Gaiman Sandman (1989-1996) au From Hell (1991-1996) de Allan Moore, du Wes Craven’s New Nightmare (1994) au Cabin in the Woods de Drew Goddard et Joss Whedon (2012). C´est ce tournant méta-horrifique qu´il s´agit désormais d´interroger, à la fois dans ses productions contemporaines et dans l´infléchissement qu´elles opèrent au sein de la double tradition gothique et métafictionnelle.

 

Responsable du Dossier: Antonio Dominguez Leiva

 

LE CINÉMA REAGANIEN

 

On peut difficilement être plus clair que Mark Herstgaard : « Reagan was certainly the most important president of the past thirty years and arguably the most important since Franklin Roosevelt. Just as Roosevelt inaugurated a new era in American history in the 1930s with New Deal programs that established a limited welfare state, so brought that era to a close by attacking the welfare state and putting the market back in charge. He began by crippling specific programs with spending cuts, but his larger achievement was ideological: he discredited the very idea that government should intervene in the economy to assist the poor and disadvantaged, regulate corporate conduct, or otherwise pursue a vision of the public interest that diverged from unrestrained private enterprise. Reagan championed a version of capitalism where the government’s role in smoothing over the market’s rough edges—by providing food stamps, protecting the right of workers to organize for better treatment, preventing corporations from cheating customers and investors or polluting the environment—was sharply reduced. He insisted that government is the cause of society’s ills and markets the solution; leave the market alone, and everyone will end up better off. Although this view began to face fresh questioning thanks to the Enron scandal, it continues to dominate public discussion and policymaking in the United States. The man himself may be gone, but we still live in the Reagan era » .

De fait, le cinéma reaganien (qui excède de beaucoup la période 1981-1989) a fixé les règles qui, pour beaucoup, sont encore celles qui régissent les blockbusters d'aujourd'hui. Il n'en faudrait pas pour autant oublier tout ce qu'il doit aux films hollywoodiens antérieurs : une stricte volonté de renforcer le plus possible l'illusion de réalité, la réduction des personnages, des situations et des tons à des canons génériques, le raffermissement de l’identification aux personnages et le désir de susciter chez le spectateur une totale adhésion aux héros et une répulsion sans mélange à l'égard des méchants, lesquels couvrent toute la gamme du communiste au gangster en passant par le marginal. De ce point de vue, il reste étroitement lié au rôle éminent que Hollywood a toujours cherché à jouer dans l’élaboration et la diffusion des mythes fondateurs de l’idéologie américaine – idéologie qui considère, en retour, que « le cinéma assume l’essentiel de la constitution de l’image de la nation américaine, pour elle-même et pour le reste de la planète ».

On pourra ainsi s'intéresser aux précurseurs du cinéma reganien, films appartenant à la période Johnson (Green Berets [1968]) ou à un Nouvel Hollywood plus tardif et crépusculaire (Death Wish [1974]). On pourra, en aval, s'attacher à des films néo-conservateurs – ou prétendus tels – postérieurs (The Siege [1998], World Trade Center [2005]) ou examiner les parodies des canons du cinéma d'action des années 1980, de Team America. World Police (2004) à The Expandables (2010).
On pourra également se pencher sur tout ce que le cinéma reaganien valorise, explicitement ou implicitement, comme codes sociaux, règles culturelles, schèmes historiques et politiques. On s'attachera, par exemple, à la représentation des femmes, dans le thriller – de Body Heat (1981) à Presumed Innocent (1990) en passant par Fatal Attraction (1987) – dans la comédie romantique – de Sixteen Candles (1984) à Pretty Woman (1990) – ou encore dans la science-fiction d'Alien (1979) à Terminator (1984). On pourra également considérer comment des films d'action portent des messages politiques, de façon directe (par l'invasion fantasmée des USA par l'Armée Rouge dans Red Dawn [1984], par exemple) ou informulée (par la mise en scène de corps bodybuildés qui incarnent la suprématie américaine et le retour en grâce de valeurs qui semblaient momenténament périmées).
On pourra aussi montrer comment les films reaganiens cherchent à conjurer la peur du déclin axiologique et géopolitique de l'Amérique, cherchant à mettre en place, dans le cinéma de masse, une logique de rédemption (Rambo [1982-2008], Rocky [1976-2006], etc.)
Enfin, on pourra analyser la nature et les fonctions du héros reaganien, solitaire, hostile aux mégapoles, insensible aux charmes de la modernité, écœuré tout à la fois par la bureaucratie, l'administration fédérale, une armée hésitante, une police affaiblie et une justice corrompue. Toutefois, on sera probablement amené aussi à montrer que le cinéma de l'ère Reagan n'est pas réductible à une propagande – fût-ce cette « propagande noire » théorisée par Vladimir Volkoff et Guy Durandin. Sans doute, en effet, ces films sont-ils plus compliqués et ambigus qu'on ne le croit et beaucoup d'entre eux semblent illustrer la notion d'« incoherent text » forgée par Robin Wood pour décrire les productions du Nouvel Hollywood (Martin Scorsese, Richard Brooks, William Friedkin).

Ce ne sont là, bien entendu, que quelques pistes de réflexion et toutes les propositions envisageant sous d'autres angles le cinéma reaganien seront bienvenues.
 

Responsable du dossier: Sébastien Hubier

 

 

UN SIÈCLE DE TARZAN

 

Né en octobre 1912 dans les pages d´un magazine mythique qui ouvrait la voie à l´Âge d´or des pulps américains (The All-Story), Tarzan constitue sans conteste un des derniers mythes modernes, conglomérat unique d´archétypes et mythèmes anciens. Venu de la littérature, ce mythe intermédiatique qui aura accompagné toutes les grandes mutations de l´industrie culturelle (du cinéma au comic book, la radio, la télévision, ou encore le Net : une simple recherche Google donne 54 millions d´occurrences du nom), s´est assuré dans notre vie « une telle présence qu´il a presque acquis peu à peu une sorte de réalité. Celle d´un phantasme collectif », comme l´écrivit celui qui aura été son principal exégète, Francis Lacassin.

Sans cesse imité par une foule de « tarzanides » plus ou moins fidèles qui vont de Akim à Rahan, le mythe de Tarzan aura nourri différents sous-genres populaires, dont les plus importants restent la Heroic Fantasy (Conan en sera une variante explicite) et, dans une moindre mesure, le péplum fantastique et ses différents avatars cinématographiques. Le centenaire est donc une occasion pour nous de nous plonger dans l´ensemble de cet univers, du corpus historique des oeuvres de E. R. Burroughs, Hal Foster ou Burne Hogarth jusqu´aux ramifications les plus contemporaines (adaptations, mais aussi déclinaisons tarzaniennes dans les blockbusters, parodies, etc).

Responsable du Dossier: Antonio Dominguez Leiva

 

 

BATMAN, LE CHEVALIER OBSCUR

 

Héritier de l´archétype du Justicier masqué qui articulait le roman populaire du XIXe siècle jusqu´aux pulps dont il est contemporain, Batman incarne la face sombre du super-héroïsme américain. Puisant dans l´iconographie symbolique du Mal pour terroriser les criminels, le héros fera corps avec cette chauve-souris qui est son enseigne guerrière (devenue logotype dans la Bat-signal) et dont la Bat-suit épouse les formes. Contrairement à Superman dont il est l´envers structurel et à qui l´uniront diverses alliances, il est animé par le cycle girardien de la violence, qu´il ne peut arrêter par la mise à mort d´un bouc émissaire innocent.

Être double et tragique, il représente l´envers du rêve américain dont Bruce Wayne est l´aboutissement parodique, la part maudite dont la société foncièrement corrompue de Gotham city, protagoniste autant que lui de la saga et contemporaine des villes pourries du hard-boiled, a besoin pour ne pas sombrer dans une anomie sans rémission.

Humain, trop humain, il n´aura pour se mesurer à la noirceur de cette ville que son immense fortune, son incroyable intelligence (à l´instar de Sherlock Holmes il restera « The World´s Greatest Detective »), sa force physique chèrement acquise (les annonces de body-building jalonnaient à juste titre ses premières aventures) et surtout sa symbiose avec la technologie dont il est, au moment où naît la science-fiction, le chantre super-héroïque. Héritière de la fonction magique de l´imaginaire tripartite indo-européen, la techné prendra la triple forme épique du costume (le Batbelt héritier des ceintures mythologiques), du refuge (la Batcave de tous les possibles) et du véhicule (la Batmobile étant le fantasme ultime de l´âge de l´automobile).

Défini, comme son envers prosaïque Dick Tracy qu´il relègue vite à l´oubli, par la galerie inquiétante de ses ennemis, êtres monstrueux dont l´onomastique dit toute la noirceur (le Pingouin, le Sphinx, le Chapelier fou, l'Épouvantail, Deadshot, Killer Moth, Mr Freeze, Poison Ivy, etc) le héros devient prétexte à une incroyable Comédie inhumaine. Au sommet de cet épopée du Mal, le Joker, clown cruel et sadique qui devient sa nemesis, du fait même qu´il est son envers maléfique (et peut être son semblable fraternel). Mais contrairement à ses confrères solaires, Batman restera hanté par ces figures à qui l´unissent des souterraines connivences, de Double-Face à Ra's al Ghul en passant par la grande tentation érotique de Catwoman.

Au fur et à mesure des 74 ans de son existence, ce grand mythe fondateur de la violence américaine dont il illustre le « complexe du loup-garou » (Dennis Duclos) survivra à toutes les déchéances, des accusations d´homosexualité dans les fifties au camp télévisuel des sixties et de la désaffection lectrice des années reaganiennes au crépuscule des super-héros dont il sera le symbole dans les séries alternatives (The Dark Knight Returns, Batman: The Killing Joke, Batman, la relève, etc). Coup après coup, il renaît sans cesse de ses cendres et vient trouve une seconde jeunesse dans le cinéma, axé sur la bivalence mythique du héros gothique: le délire fantasmagorique de Tim Burton laissant la place à la trilogie noire de Nolan.

 

Responsable du Dossier: Antonio Dominguez Leiva

 

 

LOLITA, DE NABOKOV A LA TRASHITUDE CONTEMPORAINE

A l'occasion du cinquantième anniversaire de la projection sur les écrans du film de Kubrick adaptant Lolita de Nabokov, nous voudrions nous pencher sur les représentations culturelles des jeunes filles dans les fictions narratives – littéraires, cinématographiques, télévisuelles et autres – des ancêtres de cette oeuvre fondatrice à notre ère hypermoderne. Lointaines héritières des pueri delicati et des doctæ puellæ romaines, ces jeunes filles couvrent  une vaste gamme, des blondes « petites demoiselles » angéliques du romantisme jusques aux lolitas-trash d'aujourd'hui (Taylor Momsen, Vanessa Hudgens, Lindsay Lohan, etc.) qui inondent les émissions de télé-réalité aussi bien que les placards publicitaires ornant nos abribus et nos couloirs de métro – en passant par les nymphettes, les femmes-enfants, les lolycéennes gainsbouriennes, les mean girls américaines, les media lolitas nippones. Né, avec l'érotisme libertin des Lumières, de débris anciens, le type de la jeune fille délurée, friponne et lascive triomphe aujourd'hui : elle est le bel emblème de la société de consommation dirigée de notre culture de masse, une jolie icône de l’érotisme et de la pornographie autant qu’une figure centrale de la littérature savante. Tour à tour funeste, énigmatique et salvatrice, l’adolescente dégourdie est toujours désirable même lorsqu'elle est criminelle, non seulement parce qu’elle est fraîche et ravissante, mais aussi parce qu’elle détient le pouvoir fabuleux de ressusciter le passé et d’apaiser la crainte de l’avenir.

Les propositions ou contributions sur ce thème, d'ampleur assez libre (à partir de 3000 mots), sont à adresser à sebastien.hubier@univ-reims.fr ou à sebastien.hubier@sciences-po.org.

 

 

INVASION ZOMBIE

Dans le cadre de l’esthétique contemporaine du cadavre, peu de phénomènes ont semblé plus marquants, depuis Night of the Living Dead (G. A. Romero, 1968) que la surenchère transmédiatique et véritablement planétaire des morts-vivants. Si les années 90 ont été caractérisées par une sorte de «mort», ou à tout le moins de «stase», du zombie au cinéma, la créature, fidèle à elle-même, est réapparue de plus belle au tournant du nouveau millénaire et a maintenant envahi divers recoins de notre iconosphère globale.

Symptomatiquement, c’est un nouveau média, le jeu vidéo, qui a opéré la renaissance de cette figure jamais entièrement intégrée à la tradition littéraire gothique. L’apparition en 1996 de The House of the Dead et de Resident Evil a signé le retour en force de la créature qui a fini par recontaminer le grand écran. Aux lendemains du traumatisme du 11 septembre 2001 et à l’ombre de la pandémie du SRAS, une véritable « zombie-manie » a débuté. Si la Zombie Movie Database (ZMDB) dénombre plus d’une centaine de films entre 2002 et 2009, plus d’une vingtaine de productions sont prévues pour la seule année 2012.

Dans le sillage du Zombie Survival Guide de M. Brooks (2003), une curieuse «littérature zombie» émerge alors qui triomphe dans l’étonnant best-seller de S. Grahame-Smith qui zombifie littéralement l’œuvre canonique de Jane Austen (Pride and Prejudice and Zombies, 2009). À son tour envahie par la nouvelle vague, la bande dessinée, médium qui avait jadis été essentiel dans la mutation mythopoétique vers le zombie moderne, se lance à partir de la saga de R. Kirkman The Walking Dead (2003-) dans une frénésie zombiephile inouïe qui à son tour alimente l’autre grand média postmoderne, la télévision. On assiste aussi à une pléthore d’études critiques sur cette figure jusque-là relativement dédaignée par l’institution universitaire.

Face à une telle invasion, et en syntonie avec la prolifération de « zombie studies», le temps est venu de s’attaquer de front aux morts-vivants, et d’en brosser un portrait historique et critique l’inscrivant aux sources mêmes d’un imaginaire horrifique postcolonial.

 

Responsables du dossier: Samuel Archibald, Antonio Dominguez Leiva, Bernard Perron

 

 

BOND... JAMES BOND OU L´ÉTERNEL RECOMMENCEMENT

 

Objet de tous les fantasmes (l´homme que tous les hommes voudraient être et toutes les femmes séduire) et d´un véritable culte transmédiatique, James Bond pourrait bien être le dernier mythe littéraire moderne.

Constellation de signes avant d´être une quelconque « essence », il est constitué par une panoplie d´éléments récurrents dont il est toutefois plus que la simple Somme, le smoking, le Walther PPK, le vodka-Martini "au shaker, non à la cuillère", la réplique-étendard "Bond, James Bond", les bolides, la poétique des gadgets… Ces signes fonctionnent par ailleurs au milieu d´une combinatoire narrative stricte qui, grâce au cinéma, est devenue une véritable mythologie formelle (le gun barrel, les génériques d´ouverture, la scansion entre pre-générique, générique et film, etc).

Au-delà de cette profusion sémiotique, Bond est surtout défini par les deux pôles complémentaires qui articulent sa Quête, les Bond Girls et les Méchants.

Chevalier de la « révolution sexuelle », ce play-boy meurtrier est tiraillé par une « névrose de séduction » qui ne serait que l´envers d´une quête frustrée de la femme idéale: d´où l opposition entre des femmes exceptionnelles auxquelles le héros ne peut succomber sans qu´elles trouvent une mort tragique et des véritables femmes-objets dans un univers d´objets tout aussi fétichisisés, super-gadgets au paradis des gadgets et comme eux promis à la disparition.

Comme pour ces bivalentes amazones, James Bond doit tout, sur le plan mythologique, à ses ennemis fantasmatiques (auxquels par ailleurs il dérobe les premières).  Suivant le précepte selon lequel on a les adversaires que l´on mérite et on devient ce que l´on combat, leur démesure négative renforce l´aura super-héroïque de Bond, dernier rempart contre ces figures tératologiques qui ne peuvent être que ses propres Doubles inquiétants.

Cette double articulation dit bien qu´au fond James Bond, sous ses dehors de « signifiant libre » est avant tout la pure incarnation fantasmatique d´un instinct de mort (sa « licence pour tuer ») et d´une pulsion sexuelle (sa « licence pour séduire ») qui seraient cautionnés et légitimés socialement (« au Service Secret de Sa Majesté ») au lieu d´être, comme pour le commun des mortels, soumis au travail répressif d´un double interdit sociétal. Il est donc ce vivant oxymore qui ne peut que nous faire rêver, sous tous ses différentes réincarnations (car il est un mythe de l´éternel recommencement): une brute sur-civilisée.

 

Responsable du Dossier: Antonio Dominguez Leiva

 

 

LE BUNGALOW SHOW

 

Le bungalow nord-américain est le plus souvent associé au conformisme et à la banalité de la banlieue. Construction considérée «anti-esthétique» qui confirme le règne de l’esprit pratique en Amérique, l’habitation pavillonnaire est devenue une figure marquante de l’imaginaire contemporain, mettant en jeu les frontières du public et du privé, de la norme et de la marge, du rêve et du réel. Véritable symbole de l’American Dream, le bungalow est aussi le lieu du secret, une façade qui suppose presque toujours un envers du décor.
 
Le bungalow a été chanté, photographié, filmé, écrit: nous en reste-t-il quelque chose de plus que les «little boxes» de Malvina Reynolds ou que les Deux femmes en or de Claude Fournier? Est-il la figure transparente, unidimensionnelle que le laissent penser ses variantes les plus célèbres? Y a-t-il un double-fond à la petite boîte que serait le bungalow?
 
Pour ouvrir ce dossier, l'équipe de recherche Éric Lint et le centre de recherche Figura ont organisé un Bungalow Show, le 9 novembre 2012, au Département d'études littéraires à l'Université du Québec à Montréal.  Les premiers résultats de recherche des représentations de la figure du bungalow dans l'imaginaire collectif sont diffusés ici dans la revue POP-EN-STOCK.
 
La 2e étape de cette recherche sera la tenue d'un colloque les 29 et 30 avril 2013 avec pour thème la banlieue en Amérique du Nord.
 
Responsables du dossier: Marie Parent et Alice van der Klei

 

 

LE COUPLE EN CAVALE

 

Vivant l'un pour (et par) l'autre, le couple en cavale ne se dirige pas vers un but, mais s’inscrit contre un mode de vie, celui incarnant l’idéal américain. À l’inverse des grandes figures solitaires (cowboy, détective, criminel) de genres qui ont contribué à l’élaboration des codes du road fiction, l’archétype du couple en cavale présente une union fusionnelle. Alliés dans la marginalité, les héros avancent à toute allure, envers et contre tous, vers leur fatale destinée.

Le couple s'érige contre les valeurs de sa société, prônant une contre-culture propre à l’idée de contestation de la modernité tel que représentée dans Bonnie and ClydeThelma & Louise, Natural Born Killer, etc. Dans ces fictions, les couples incarnent à la fois la révolte et la libération. La postmodernité voit se déplacer les motifs des héros nomades qui perdent leurs repères et dérivent sans ancrage pour finalement s’adonner davantage à une errance qu’à une progression : « L’Amérique n’est ni un rêve, ni une réalité, c’est une hyperréalité. C’est une hyperréalité parce que c’est une utopie qui dès le début s’est vécue comme réalisée. » (Jean Baudrillard). Fondé sur l’utopie d’un nouveau territoire miraculeux, le mythe américain de l’accession au bonheur par la route motive les actions des personnages désirant se rendre « over the rainbow » (Wizard of Oz). Mais alors que Dorothy voyage dans un univers onirique pour mieux retrouver la quiétude de son monde réel (« There’s no place like home ! »), le couple en cavale vit une crise existentielle, condamné à errer sur une frontière floue entre l’illusion et la réalité où le nouveau monde utopique s’avère être un Wonderland inversé.

N’étant plus l’incarnation des valeurs puritaines de la famille, le couple est défini simplement par un « ensemble de deux personnes liées par un sentiment, un intérêt quelconque ». Il peut donc être d’ordre amical, fraternel, circonstanciel, etc.

Le couple carbure ainsi au déplacement et n’existe pas sans la route qui se termine inévitablement. Êtres aliénés par la société et motivés par la passion, ils fuient leur passé sans pouvoir entrevoir d'avenir et s'octroient tous les plaisirs du présent dans une célébration de la liberté éphémère rendue possible par le déplacement.

 

Responsables du dossier: Mélissa de Répentigny, Sébastien S. Dubé

 

X WOMEN

« Où sont les femmes ? » claironnait de sa voix aiguë Patrick Juvet en 1977. Que Beaubourg propose en mai 2009 une exposition des œuvres issues de ses collections permanentes composée uniquement d’artistes femmes pourrait bien constituer sinon une réponse du moins sa mise en images. S’il ne s’agit nullement de montrer un art féminin, ni même de présenter des productions artistiques proprement féminisées qui verseraient dans une apologie univoque (ou même controversée) du féminin, ce panorama des différentes artistes, des images et de leurs discours, cette « représentation de représentations des femmes », qui redouble la question de la représentation en lui conférant « un sens transitif », n’est rien moins qu’un état des lieux, au sens littéral, il permet de voir où en sont les femmes artistes de nos jours. Un rapide coup d’œil montre que celles-ci puisent massivement leur créativité dans leur condition féminine, dans ce qu’elle a de plus ostensible justement, que ce soient leur corps, leur sexualité et leur libido comme autant d’avant-postes de leur imaginaire, surjouant certains des stéréotypes masculins de la sexualité tout en réinvestissant les usages d’une séduction sensuellement perçue comme attribut féminin. De quoi une artiste ou écrivain femme dispose-t-elle aujourd’hui ? Quelles sont les différentes modalités/potentialités artistiques de la féminité, de la perception de la masculinité, des relations de l’une avec l’autre ? Qu’en est-il du décalage entre l’intériorisation des désirs, fantasmes et pulsions libidinales et la présentation extérieure de soi en tant qu’être sexuel ? Comment s’émanciper ou plutôt quelle voie construire face à la masculinisation des normes et des configurations sociétales ? Dans quelle mesure ne reste-t-on pas tributaire d’une virilisation défensive ? Est-ce qu’il suffit de « réintroduire du féminin (mais du féminin dessentialisé) dans la théorie sociale » ou, comme le propose François Laplantine, de « réintégrer le sensible dans l’épistémologie » ? Un présupposé mérite d’être clarifié dès lors : dans quelle mesure s’intéresser au genre du créateur et du récepteur est-il une clé de lecture et de compréhension de la création culturelle ? Jusqu’à quel point « la norme du genre » est-elle nécessaire à la pensée et à l’écriture ? Peut-on déculturaliser les représentations féminines telles qu’elles émanent des œuvres artistiques, des phénomènes culturels et médiatiques ?

Si l’imaginaire sexuel et sensuel des artistes et écrivains est la condition d’une manipulation auctoriale, celles-ci l’exploitent dans des registres très divers. Les représentations littéraires, filmiques et médiatiques de la question des femmes ne peuvent être détachées d’enjeux politiques et idéologiques, mais également pornographiques et érotiques, fantasmatiques et virtuels, consuméristes, capitalistes et matérialistes. Le féminisme y possède une part active, le terme ne se suffit pas à sa dimension militante et engagée, tant il opère comme résultat d’une prise en main par les femmes de la féminité, ou plutôt de tout ce qui semble leur revenir (ou appartenir), avec toute la force des stéréotypes, excès ou dérives des représentations sexuelles. Le féminisme est ainsi pris en tension : « s’il encourage les femmes à prendre la parole en tant que telles, c’est afin de n’être pas traitées en tant que telles. Autrement dit, des femmes parlent en tant que femmes pour ne pas se voir assigner un rôle de femmes ». Un certain féminisme au pluriel cherche à proposer des voies alternatives entre capitalisme et patriarcat. Non pas un repli identitaire, stigmatisé un peu facilement à une rhétorique féministe agressive ou à un féminisme militant (ce qu’il peut comporter d’excessif et de caricatural), mais une nouvelle alliance, au-delà d’une critique d’une masculinité hégémonique – cela fait déjà quelques temps qu’elle ne l’est plus –, révélant tout le potentiel de transformation générique dont la création féminine fait preuve aujourd’hui.

 

Responsable de dossier: Frédérique Toudoire-Surlapierre

 

HARLEQUIN ENCHAÎNÉ: LES 50 NUANCES DE GREY

Vendue à 65 million de copies dans le monde, la trilogie de E. L. James autour des amours tortueuses de la naïve universitaire Anastasia Steele et le jeune magnat Christian Grey constitue l´oeuvre la plus rapidement et viralement consommée de l´Histoire de l´édition. Émergeant de la fan fiction qui prolifère autour de la série Twilight, il s´agissait de transformer la pornographie de l´abstinence qui unit le couple principal en un récit d´initiation sadomasochiste, ce qui fut perçu par la communauté twihard comme une profonde entorse au mythe initial, provoquant l´exil de l´œuvre des sites officiels d´expansion de la franchise et par là son affranchissement du canon vampirique. Triomphant dans les nouveaux réseaux de la cyberlecture (du web au e-book), la trilogie imprimée devint vite l´oeuvre la plus vendue sur Amazon.

Baptisée par J. Goudreau comme l´émergence d´un nouveau sous-genre, le "mommy porn" destiné aux mamans trentenaires nostalgiques d´une sexualité à laquelle elles auraient en grande partie renoncée, honnie pour ses phrases "asiniennes" et sa trame "déprimante" (J. Reeves), l´œuvre intrigue avant tout par les conditions de son succès. Ce nouveau jalon dans la blockbusterisation marchande de la littérature de masses a été ironiquement considéré comme le symptôme d´une nouvelle (et ultime) décadence par le New York Daily ("Fin de la civilisation: E. L. James choisie Personnalité de l´Année par le Publishers Weekly"), réveillant des vieilles craintes autour de l´abêtissement (dumbing down) des masses américaines et, désormais, planétaires.

Le débat attise bien entendu les réflexions autour du post-féminisme. Alors que l´on peut se demander avec K. Roiphe si le libre arbitre est devenu pour les femmes un fardeau dont elles voudraient se délivrer par des fantasmes de soumission, d´autres penseuses y voient au contraire un signe inévitable et positif de l´égalité d´opportunités, les femmes étant libres enfin d´accéder sans complexes à leur propre pornographie. Or qu´il soit le signe de l´échec ou du triomphe du féminisme, ce qui frappe dans ce prétendu érotisme c´est à quel point il est dominé par le modèle de la littérature sentimentale la plus traditionnelle, au moment même où les productions Harlequin sont entrées dans une ère de sexualisation explicite de leurs produits (la catégorie Blaze/Désir), déjà annoncée par le succès de leurs rivales (Silhouettes, Candlelight Ecstasy) dans les années Reagan. La sentimentalisation du BDSM aux bras du Prince youppie serait-elle alors le signe d´un autre retour du refoulé, au-delà de la régression vers des consolations archaïques d´une féminité en déreliction?

 

Responsable du Dossier: Antonio Dominguez Leiva

 

"BOLCHOÏ YARBLOKOSS À VOUS TOUS": UN DEMI-SIÈCLE D´ORANGE MÉCANIQUE

 

Un demi-siècle après sa sortie, le roman picaresque et dystopique de Anthony Burgess continue à hanter l´imaginaire collectif de la violence urbaine et du conditionnement neurobiologique. Splendidement adapté au grand écran par le grand ymagier que fut Stanley Kubrick, le Voyage du Pèlerin de ce Candide perverti qu´est Alex (De Large) est devenu une sorte de mythe contemporain donnant à penser une série de contradictions qui nous fondent. Il permet de mettre un visage, celui, suprêmement intrigant de A. McDowell dans l´épopée filmique, à nos peurs et, peut-être, à certains de nos désirs inavoués, synthétisant nos ambivalences à l´égard des limites de l´hédonisme féroce qui articule notre société de consommation, dont les sous-cultures juvéniles sont en grande partie les moteurs et reduplicateurs, mais aussi à l´égard du libre arbitre, fondement du néolibéralisme à la fois que source de méfiance dans des sociétés de contrôle en proie à une véritable obsession sécuritaire.

C´est cette perspective mythique qu´il intéresse de cerner à travers les deux œuvres fondatrices de Burgess et de Kubrick mais aussi les autres adaptations filmiques (le méconnu Vinyl de Warhol, 1965, version claustrophobe et sadomasochiste sur fond d´anomie sociale) ou théâtrales (des adaptations par Burgess lui-même aux créations de Brad Mays, 2003) ainsi que les multiples hommages musicaux (Bowie, Sepultura, Die Toten Hosen, etc), les films qui ont été directement inspirés par l´œuvre (tels que Una gota de sangre para morir amando, « la Clémentine Mécanique » espagnole de Eloy de la Iglesia) ou indirectement (de The Warriors de Walter Hill au dyptique Funny Games de Michael Haneke, , etc).

 

Responsable du Dossier: Antonio Dominguez Leiva

 

 

DU CUT-UP AU SAMPLING

Polyvalente, mutante et omniprésente, la pratique du sampling pourrait bien être l´emblème ultime de l'«ère néobaroque» définie par le sémiologue italien O. Calabrese dans son ouvrage homonyme de 1987, l´année même de fabrication du mythique E-mu SP-1200. L´auteur définissait alors la nouvelle iconosphère (mais on peut facilement étendre ces notions à la sonosphère) par une série de catégories esthétiques repartie autour de binômes complémentaires: la répétition et le rythme frénétique, l'excentricité et le risque, le détail et le fragment, l'instabilité et la métamorphose, le désordre et le chaos, le noeud et le labyrinthe, la complexité et la dissipation, le plus-ou-moins et le je-ne-sais-quoi et enfin la distorsion et la perversion. Ces binômes, se décomposant à la fois en une série de figures, semblent toutes peu ou prou (à commencer par la Répétition déclinée selon Calabrese en variations organisées, polycentrisme et irrégularité réglée) caractériser la technique du sampling et l´esthétique qui en découle dans ses différentes manifestations, du hip hop à la musique électronique en passant par quantité de styles.

Nous nous intéresserons ici à toutes les dimensions transmédiatiques du sampling, que ce soit dans ses ancêtres littéraires mêmes (notamment les « Cut-ups » de W. Burroughs et B. Gysin mais aussi la tradition des assemblages qui va de Lautreámont au Reality Hunger Manifesto de D. Shields), dans ses multiples incarnations plastiques (dans la lignée du collage, de l´appropriation et du détournement) ou bien entendu dans ses différentes expressions sonores, des tape loops de la musique concrète, minimaliste ou électroacoustique, voire du jazz fusion et du rock psychédélique a l´explosion des samples qui articule l´émergence du hip hop et la prolifération de la musique électronique dans toutes ses constellations avant d´être diffusée dans l´ensemble de la sonosphère contemporaine, de la musique industrielle au indie rock voire la pop la plus mainstream.

 

Responsable du Dossier: Antonio Dominguez Leiva

 

CHICK TV: SEX AND THE CITY ET SA PROGÉNITURE

La série Sex and the City, lancée par la chaîne câblée HBO en 1998, signa un temps fort dans la transmédiatisation de la « chick lit » vers le tube cathodique. Inspirée du livre de Candace Bushnell qui suit la chronique journalistique homonyme menée par Carrie Bradshaw pour le journal fictif New York Star, la série se voulait l´expression d´une nouvelle féminité hypermoderne. Ironiquement, celle-ci suit en tout point les trois impératifs du modèle de la femme moderne dégagés jadis par Edgar Morin: séduire, aimer et vivre confortablement.

Ce n´est là que le premier d´une suite de « paradoxes terminaux » qui caractérisent, à l´image de l´hypermodernité elle-même, la série créé par Darren Star et toutes celles qui, par la suite, s´en réclameront. Multipliant les « marques de notre culte contemporain du présent et du désenchantement que celui-ci engendre, étroitement [liée] à la consommation dirigée, à la communication de masse, à l'étiolement des normes autoritaires et disciplinaires, aux poussées successives de l’individualisation, à la consécration de l’hédonisme et du psychologisme » (S. Hubier), elle est un condensé du nouvel « Esprit du temps » au tournant du millénaire, dont son succès planétaire sans précédents atteste la prégnance.

Mais sans doute le paradoxe central reste-t-il celui qui entoure l´appropriation du féminisme de la troisième vague, pris entre les idéaux émancipateurs, le retour du refoulé patriarcal et les conflits d´une réalité souvent vécue sous le signe du désenchantement.  Sans cesse problématisé, comme les personnages eux-mêmes (''Can women have sex like men?'' est une des questions cruciales que se pose Carrie dès l´origine), il se voit allié de force à une fuite en avant (hyper)aliénante dans l´hyperconsommation, sans cesse  déclinant sur un mode célébratoire la devise jadis subversive de Barbara Kruger « I Shop, Therefore I Am ». D´où le parallélisme entre le (beau) Sexe et la Ville, qui ne peut être que New York, mégalopole-emblème du Village Global en pleine euphorie de « l´Âge de la Cupidité » (J. Madrick) d´avant le désastre économique et le traumatisme du 11 Septembre (il est symptomatique que la série élimine par la suite physiquement toute référence aux Tours Jumelles, acte suprême de déni d´une « prise au Réel » qui frapperait d´inanité tout l´univers glamourisé sur lequel elle repose).

Ce dialogue entre une pulsion et un milieu, tous deux mythifiés, ressuscite la riche tradition de la comedy of manners newyorkaise sophistiquée et joyeusement mélancolique qui remonte à Fitzgerald et Edith Wharton, en passant incontournablement par Woody Allen. Mais, à l´image d´une société devenue plurielle dans son uniformité, la série agglutine quantité d´autres traits génériques (formula show, soap opera, Bildungsroman, satire, scripts érotiques, « dramédie », etc), comme elle démultiplie les personnages. En présentant quatre femmes typées à l’extrême (Carrie, Samantha, Charlotte et Miranda), on engendre, certes, un processus d’identification global chez les spectatrices (qui, si elles ne peuvent se reconnaître pleinement dans l’une seule des héroïnes, retrouvent au moins une facette de leur personnalité dans chacune d´entre elles). Mais se dégage aussi, autour des centaines de partenaires et personnages secondaires qui gravitent autour de chaque femme-récit (chaque membre du quatuor représentant une véritable « matrice » narrative) une sorte de « Comédie humaine » en accord avec la nouvelle esthétique télésérielle qui est en train de réinventer, fut-ce de façon ironique, le projet romanesque que l´on croyait, ailleurs, mort à coups de postmodernismes.  

De Sex in the City à Girls, en passant par des variantes plus locales (telle que la websérie québécoise Comment survivre aux week-ends?), toutes ces questions continuent de travailler l´évolution de la « chick TV », qu´il s´agit désormais d´interroger.

 

Responsable du Dossier: Antonio Dominguez Leiva