Renaissance des super-héros

Renaissance des super-héros

 

Le multivers superhéroïque est en pleine ébullition, travaillé par deux logiques au premier abord antinomiques,  mais peut-être complémentaires. D’un côté, depuis le double choc de The Dark Knight Returns de Frank Miller (1986) et Watchmen d’Alan Moore et Dave Gibbons (1987), on assiste à un véritable «crépuscule des idoles» nietzschéen qui n’en finit plus de décliner la ruine du superhéroïsme classique et son idéologie naïvement impérialiste, tel qu’étudié dans notre copieux dossier Crépuscule des superhéros. Mais de l’autre, nous assistons à une véritable refondation du mythe originaire, notamment dans d’autres médias, le triomphe le plus spectaculaire de la figure venant, depuis le tournant du millénaire, des blockbusters cinématographiques.

Certes, les adaptations transmédiatiques des superhéros de comic book accompagnent ceux-ci dès leurs origines mêmes. Mais c’est avec le triomphe de la politique de convergence médiatique qui caractérise les nouveaux conglomérats financiers de l’industrie culturelle que cette logique va être poussée à bout. Les superhéros vont dès lors devenir les piliers de cette nouvelle configuration de la médiasphère, emblématisée par l’achat de Marvel par Disney en 2009. Parfait vecteur de la «blockbustérisation» cinématographique, décliné en une infinité de produits dérivés et s’appuyant sur la fidélisation intergénérationnelle de la «fanbase», le superhéros permet d’aligner la logique de production filmique sur les modèles déjà consolidés par l’industrie du comic book (notamment ses différentes modalités de sérialisation: cross-overs,, spin-offs, reboots, etc).

Cette renaissance commerciale de la figure s’appuie sur une triple logique économique, esthétique (il a fallu attendre la révolution infographique pour que les effets spéciaux rendent enfin «vraisemblables» à l’écran –et non bêtement risibles comme auparavant– les exploits superhéroïques, qui par ailleurs connectent parfaitement avec l’évolution néobaroque de notre iconosphère) et idéologique. En effet, une certaine vulgate situe le retour du superhéroïsme dans le sillage du traumatisme états-unien, et par extension planétaire, du 11 septembre. Remontant aux sources mêmes de l’imaginaire obsidional américain (les Pionniers sans cesse menacés par la double hostilité de la Wilderness et des autochtones), la Nation aurait ressuscité le fantasme des héros salvateurs doués de super-pouvoirs pour incarner cette super-puissance hantée par son propre déclin. La renaissance du superhéros serait ainsi l’érection d’un Totem allégorique (dont Captain America est le parfait avatar) à l’image de la (super)angoisse qui préside à l’ère de la «guerre à/de la Terreur».

Ce dossier vise à aborder les différentes modalités de cet exorcisme culturel qui informe désormais la culture mainstream globalisée (F. Martel), des grands succès cinématographiques des diverses franchises aux séries télé telles que Daredevil ou Gotham, voire des jeux vidéos tels qu’Injustice ou Marvel Ultimate Alliance.

 

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                                    Daredevil, la dernière tentation
                                    Doctor Strange, sorcier suprême
                                    John Constantine
                                    L'Éternel Retour de Miracleman
 
Soumis par Antonio Dominguez Leiva le 22/06/2015

Parallèlement aux fantasmes de la mythologie politique, la littérature populaire s’est emparée dès l’âge des Lumières de tout l’imaginaire satanique auquel on ne croyait plus (tout à fait) pour en faire une prodigieuse machinerie à fictions. Ce fut notamment la tâche historique du gothique anglais (premier genre de la littérature que l’on dira, par la suite, «industrielle» et dont les illustrations marquèrent durablement la culture visuelle de masses), avec sa consécration de la figure du (super)vilain. Complots maléfiques se succèdent, animés par des sociétés secrètes (allant même jusqu’à constituer un riche sous-genre), tandis que l’héritage satanique s’actualise dans des figures directement démoniaques (gothique surnaturel) ou qui passent pour telles (gothique rationaliste), incarnant la transition du modèle métaphysique à l’ontologie du Mal profane.

Soumis par Antonio Dominguez Leiva le 22/06/2015

C’est bien connu, tout supervilain qui se respecte, du Lord Business de Lego (2014) à Ultron dans le nouvel Avengers (2105), est tenté à un moment ou à un autre par l’idée de détruire le monde. Certes, il y a tous ceux qui veulent tout simplement (voire, oserait-on dire, tout bêtement) le conquérir, motif napoléonien cristallisé dans le roman populaire de l’âge bourgeois, notamment chez Jules Verne («Robur le Conquérant» aspirant à devenir le «Maître du monde» dans le roman éponyme de 1904), anticipant sur la théorie nietzschéenne de la «volonté de puissance». Il s’agit là de l’ambivalence même de la figure mégalomaniaque (conquérir/détruire) qui illustre la dynamique entre possession et destruction de l’objet caractéristique du sadisme de la petite enfance tel qu’étudié par la psychanalyse (et notamment Karl Abraham).

Soumis par Clément Pelissier le 22/06/2015

La série est très récente et n’est pas encore finie et il faudrait en avoir une vision complète pour faire un plus juste bilan des arguments qu’elle déploie. La première saison fournit cependant de quoi réfléchir. Quelle que soit la volonté de «réalisme» des auteurs, l’aventure de Daredevil demeure la (re)lecture particulière d’un récit fantasque. On part toujours du postulat qu’un jeune garçon a reçu dans les yeux un produit chimique dont on ignore la composition. Cette première saison s’attarde sur la condition de Matt Murdock et sur sa représentation auprès des autres personnages et du spectateur lui-même. Matt en est seulement aux balbutiements de son alter ego.

Soumis par Clément Pelissier le 22/06/2015

Frank Miller ne semblait pas dissimuler son enthousiasme dans ce témoignage formulé en l’an 2000. Sa pensée amorce, treize ans plus tard, l’introduction du massif ouvrage rouge et noir rééditant sa collaboration avec Klaus Janson autour du «fearless man» de Marvel, Daredevil. Ce travail débutait en 1979; et les arguments de l’artiste font encore écho alors que le vigilant gardien de New York depuis son fief de Hell’s Kitchen vient tout juste de reparaître sur nos écrans par le biais de la série télévisée originale Netflix, dans une atmosphère qui transmet plus que jamais cette recherche de «spooky crime comics». Ce retour n’apparaissait guère comme une évidence, tant le film de 2003 avait fâché une grande partie des spectateurs et de la critique. Il n’est pourtant pas anodin de relire aujourd’hui les propos de Frank Miller.