Fiction

Ultron avec Sade (2) À l’ombre du Divin Marquis

Parallèlement aux fantasmes de la mythologie politique, la littérature populaire s’est emparée dès l’âge des Lumières de tout l’imaginaire satanique auquel on ne croyait plus (tout à fait) pour en faire une prodigieuse machinerie à fictions. Ce fut notamment la tâche historique du gothique anglais (premier genre de la littérature que l’on dira, par la suite, «industrielle» et dont les illustrations marquèrent durablement la culture visuelle de masses), avec sa consécration de la figure du (super)vilain. Complots maléfiques se succèdent, animés par des sociétés secrètes (allant même jusqu’à constituer un riche sous-genre), tandis que l’héritage satanique s’actualise dans des figures directement démoniaques (gothique surnaturel) ou qui passent pour telles (gothique rationaliste), incarnant la transition du modèle métaphysique à l’ontologie du Mal profane.

Ultron avec Sade (1) ou Pourquoi les (super)méchants veulent-ils (inlassablement) détruire le monde?

C’est bien connu, tout supervilain qui se respecte, du Lord Business de Lego (2014) à Ultron dans le nouvel Avengers (2105), est tenté à un moment ou à un autre par l’idée de détruire le monde. Certes, il y a tous ceux qui veulent tout simplement (voire, oserait-on dire, tout bêtement) le conquérir, motif napoléonien cristallisé dans le roman populaire de l’âge bourgeois, notamment chez Jules Verne («Robur le Conquérant» aspirant à devenir le «Maître du monde» dans le roman éponyme de 1904), anticipant sur la théorie nietzschéenne de la «volonté de puissance». Il s’agit là de l’ambivalence même de la figure mégalomaniaque (conquérir/détruire) qui illustre la dynamique entre possession et destruction de l’objet caractéristique du sadisme de la petite enfance tel qu’étudié par la psychanalyse (et notamment Karl Abraham).

Frontières, seuil et artefact: concept et actualisation de l’imaginaire chez Pierre Bottero

La Quête d’Ewilan de Pierre Bottero établit une première frontière entre le concept du processus d’imagination et son actualisation dans un univers qui lui est propre. L’Imagination en tant que dimension que l’œuvre façonne fait office de double frontière puisqu’elle sépare d’un côté le monde primaire et le monde secondaire entre lesquels Camille est appelée à voyager, de l’autre l’imagination de la création dans un référentiel que cette dernière vient altérer. En effet, en s’immergeant dans cette dimension qu’est l’Imagination, le dessinateur peut faire basculer dans la réalité tout ce qu’il conçoit mentalement.

Motifs de la vie littéraire à la mort du romancier: figures de l’auteur dans le roman policier

Soumis par Paul Bleton le 09/06/2015
Catégories: Crime, Fiction

Très tôt dans son histoire, l’énigme, fondement du genre policier, incite à machiner deux registres: la double histoire (celle du récit de l’enquête, où l’enquêteur part de l’énigme pour aller vers la solution, ce qui déplie celle du crime lui-même et remet dans l’ordre motivations, opportunité et modus operandi du criminel apparus dans l’ordre inverse à la lecture du récit de l’enquête) et la narration réticente (le lissage romanesque du récit de l’enquête dissimule la disparité des connaissances que personnages et lecteur peuvent avoir de l’histoire du crime).

Les sculpteurs de chair

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La greffe a une double nature. C’est une chirurgie que l’on ne pratique pas gratuitement puisqu’elle est censée vaincre un danger ou améliorer une situation; elle devrait donc conférer au greffé un état plus souhaitable et «normal». Elle traduit aussi une volonté de repousser les limites du savoir, ce qui peut amener son praticien à reconsidérer la nature telle qu’on l’envisage habituellement tout en soulevant d’importants enjeux éthiques. Tandis qu’on met surtout l’accent sur l’aspect restaurateur des greffes réelles (la médecine qui guérit, la chirurgie esthétique qui répare ou embellit, etc.), les greffes imaginaires comportent fréquemment une forte composante instauratrice, étant souvent effectuées par des chirurgiens correspondant à l’archétype du savant fou. Comme le montrent des personnages aussi célèbres que les docteurs Frankenstein et Moreau, entre autres exemples, il s’agit moins, alors, de régler un problème que de s’abandonner à l’enthousiasme d’inventer des créatures, qu’elles soient humaines ou hybrides. D’autres greffeurs et greffés sont apparus dans la littérature et au cinéma à partir du XXe siècle, leurs aventures évoluant selon les contextes et les genres (science-fiction hard, fantastique, gore, etc.).

The Night of the Loving Dead: Hybridité entre le roman d’amour et le roman d’épouvante dans «Warm Bodies»

Le mort-vivant envahit, depuis le tournant des années 2000, pour citer Antonio Dominguez Leiva, «les moindres recoins de l’iconosphère globale» (2010: 19). On le retrouve désormais comme sujet central de productions humoristiques (Shaun of the Dead, Fido, Zombieland), ou encore comme trame de fond d’histoires romantiques (Pride and Prejudice and Zombies, la collection Harlequin Take a Bite out of Zombie Fictions). Porté par cette vague et sans nul doute inspiré par le succès connu par Twilight, l’auteur Isaac Marion a fait en 2010 le pari fou de pouvoir écrire une histoire d’amour qui mettrait en vedette une adolescente et... un mort-vivant!

«Pablo... de Fer» de Pierre-Louis Rehm: une poétique de l'interstice générique?

L'entre-deux-guerres française voit apparaître une production nouvelle de romans d'aventures littéraires. Le domaine de l'aventure était jusque-là réservé aux collections populaires, fonctionnant en outil idéologique colonial et bourgeois destiné aux jeunes garçons. Sous l'influence du modèle anglo-saxon, et particulièrement celui de Conrad, il accède, après la Première Guerre mondiale, à un statut plus «littéraire». Cette nouvelle production d'aventure, dont le représentant le plus célèbre reste peut-être Malraux, s'accompagne d'une concrétisation et d'une consécration institutionnelle.

Le jeu de guerre: une reconfiguration de l'histoire par la pensée individuelle

Soumis par Roxane Maiorana le 23/03/2015
Catégories: Dystopie, Fiction

La Deuxième Guerre mondiale a transformé l’Histoire non plus seulement dans les faits, mais dans son régime d’historicité même. Le temps historique va désormais s’inscrire dans le présentisme, dans une société de consommation toujours plus avide. François Hartog le présentait par cette belle image: «Le présent est l’imminent: le corps penché en avant du coureur au moment de s’élancer.»

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